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    vendredi, 27 janvier 2023 14:07

    Contentieux de l’urbanisme commercial : la liberté d’association résiste aux assauts du législateur

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    Une association peut contester un permis de construire tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale à la fois en tant qu’il vaut autorisation de construire et en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale, pour autant qu’elle justifie d’un intérêt pour agir contre chacune de ces autorisations.

    intérêt à agir associations

     

    L’article L. 600-1-4 du code de l’urbanisme dispose :

    « Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions.

    Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ».

    Ces dispositions ne remettent pas en cause les modalités classiques de l’intérêt à agir des associations, rappelle le Conseil d’Etat dans un arrêt du 30 décembre 2022, censurant les premiers juges pour erreur de droit :

    « 3. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une association puisse contester un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale à la fois en tant qu'il vaut autorisation de construire et en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, pour autant qu'elle justifie d'un intérêt pour agir contre chacune de ces autorisations. Dès lors, il appartenait à la cour administrative d'appel de Marseille, pour déterminer la recevabilité des conclusions présentées par l'association En toute franchise département du Var contre le permis litigieux en tant qu'il valait autorisation de construire, lesquelles étaient présentées en même temps que des conclusions dirigées contre le même permis en tant qu'il tenait lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, de rechercher si elle justifiait, au regard de l'objet défini par ses statuts et de son champ d'action géographique, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre chacune de ces autorisations.

    4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour écarter les moyens tirés de la méconnaissance des règles définies par le code de l’urbanisme présentés à l’encontre du permis délivré par l’arrêté du 8 juillet 2020 en tant qu’il vaut autorisation de construire, la cour administrative d’appel de Marseille a relevé que l’association requérante avait pour objet principal la défense des intérêts collectifs de la profession de commerçant indépendant et d’artisan dans le département du Var alors même que ses statuts mentionnent également la défense et la préservation du cadre de vie contre toute atteinte qui y serait portée par la planification ou l’autorisation de surfaces destinées au commerce et en a déduit que c’est en application des dispositions de l’article L. 752-17 du code de commerce, et non en application des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, qu’elle disposait d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire attaqué. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu’en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit» (CE, 30 décembre 2022, n° 456413).

    Le « considérant » de principe ci-dessus a été posé pour la première fois dans un arrêt du 7 octobre 2022, où les premiers juges ont été censurés pour dénaturation des pièces du dossier, tout commee dans un autre arrêt du 26 décembre 2022 :

    « 4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour écarter comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le permis délivré par l’arrêté du 29 avril 2019 et le permis modificatif délivré par l’arrêté du 3 décembre 2020 en tant qu’ils valent autorisations de construire, la cour administrative d’appel de Marseille a relevé que l’association requérante avait pour objet la défense des intérêts collectifs des commerçants, indépendants et artisans dans le département de l’Hérault et en a déduit que, les autorisations de construire ne portant, par elles-mêmes, pas atteinte au commerce, ses statuts ne lui donnaient intérêt pour agir contre un permis de construire qu’en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale. En statuant ainsi, sans tenir compte des autres finalités poursuivies par l’association et retracées à l’article 2 de ses statuts mis au dossier du juge du fond, notamment « la défense et la préservation du cadre de vie contre toute atteinte qui y serait portée par la planification ou l’autorisation de surfaces destinées au commerce », la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Dès lors, l’arrêt doit être annulé en tant qu’il juge irrecevables les conclusions de l’association dirigées contre les arrêtés des 29 avril 2019 et 3 décembre 2020 en tant qu’ils valent autorisations de construire » (CE, 7 octobre 2022, n° 452959).

    « 4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour écarter comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le permis délivré par l’arrêté du 18 décembre 2018 en tant qu’il vaut autorisation de construire, la cour administrative d’appel de Marseille a relevé que l’association requérante avait pour objet la défense des intérêts collectifs des commerçants, indépendants et artisans dans le département du Var et en a déduit que, les autorisations de construire ne portant, par elles-mêmes, pas atteinte au commerce, ses statuts ne lui donnaient intérêt pour agir contre un permis de construire qu’en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale. En statuant ainsi, sans tenir compte des autres finalités poursuivies par l’association retracées à l'article 2 de ses statuts et figurant dans les pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment « la défense et la préservation du cadre de vie contre toute atteinte qui y serait portée par la planification ou l’autorisation de surfaces destinées au commerce », la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Dès lors, l’arrêt doit être annulé en tant qu’il juge irrecevables les conclusions de l’association dirigées contre l’arrêté du 18 décembre 2018 en tant qu’il vaut autorisation de construire » (CE, 26 décembre 2022, n° 442811).

    Ainsi, conformément au droit associatif, le Conseil d’Etat confirme la possibilité pour une association de posséder plusieurs facettes, sans que les membres poursuivant l’un ou l’autre de ses buts ne soient tenus de constituer une association distincte.

    En l’occurrence, la construction d'ensembles commerciaux a suscité un regain associatif de la part d’habitants soucieux de placer le cadre de vie à l’abri de tels ensembles. Il est donc apparu normal que les associations en cause se dotent de deux facettes (urbanistique et commerciale), à l’instar du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, qui réunit deux autorisations : celle de construire et celle d’exploiter.

    En dehors des cas où le projet serait de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d'exploitation de son établissement, le professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet, reste quant à lui cantonné à la contestation de l’autorisation d’exploitation commerciale, conformément à la jurisprudence classique du Conseil d’Etat et, en dernier lieu, aux dispositions de l’article L. 600-1-4 du code de l’urbanisme.