La cristallisation des moyens prévue par les dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme s'applique au recours formé contre un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce.
L’article R. 600-5 du code de l’urbanisme dispose :
« Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative ».
Dans le cas d’un permis de construire tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale, le Conseil d’Etat a été saisi de la question de savoir si cette cristallisation des moyens concernait les deux facettes de ce permis, à la fois l’autorisation de construire et l’autorisation d’exploitation commerciale.
Par un arrêt du 4 avril 2023, le Conseil d’Etat a répondu par l’affirmative :
« 2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial ". D'autre part, aux termes de l'article L. 600-13 du code de l'urbanisme : " Les dispositions du présent livre sont applicables aux recours pour excès de pouvoir formés contre les permis de construire qui tiennent lieu d'autorisation au titre d'une autre législation, sauf disposition contraire de cette dernière ". Enfin, aux termes de l'article R. 600-5 du même code : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative (...) /. Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu'il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l'affaire le justifie ". Il résulte de ces dispositions que la cristallisation des moyens prévue par les dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme s'applique au recours formé contre un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce.
3. Si la société Distribution Casino France soutient que la cour administrative d'appel ne pouvait écarter comme irrecevable l'un des moyens qu'elle avait soulevé, en faisant application des dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, dès lors que le recours dont elle l'avait saisie ne tendait à l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire délivré par le maire de Nice qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour administrative d'appel de Marseille n'a ce faisant commis aucune erreur de droit (…) ».
L’application au contentieux du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale de règles du contentieux de l’urbanisme est ancienne, avec par exemple l’application de la formalité de notification prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme :
« 10. L'article R. 600-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Les professionnels mentionnés au I de l'article L. 752-17 du code de commerce sont des tiers au sens de ces dispositions. Ils bénéficient d'une information sur l'existence de la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en raison, notamment, de la publicité donnée à la décision de la commission départementale d'aménagement commercial en application des dispositions de l'article R. 752-30 du code de commerce. Ainsi, bien qu'ils ne soient pas nécessairement voisins du projet, le délai de recours contentieux à l'encontre du permis court à leur égard, comme pour tout permis de construire, à compter de la date prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme.
11. Pour les professionnels mentionnés au I de l'article L.752-17 du code de commerce, la saisine de la Commission nationale d'aménagement commercial est, en vertu du même article et des dispositions analogues de l'article L.425-4 du code de l'urbanisme, un préalable obligatoire à tout recours contentieux contre un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Eu égard au délai d'un mois dans lequel cette saisine doit intervenir, il sera exceptionnel qu'elle soit régulièrement introduite avant que le délai de recours contre le permis, déclenché ainsi qu'il a été dit au point précédent, soit expiré. Même alors, cette saisine n'aurait pas pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux. En revanche, dans tous les cas où la Commission nationale d'aménagement commercial, régulièrement saisie, est amenée à rendre son avis après la délivrance du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, la publication de cet avis dans les conditions fixées à l'article R. 752-39 du code de commerce ouvre, à l'égard des requérants mentionnés au I de l'article L. 752-17 du code de commerce, y compris si le délai déclenché dans les conditions prévues par l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme est expiré, un délai de recours de deux mois contre le permis.
12. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant (...) un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif ". Ces dispositions s'appliquent, comme pour tout permis de construire, au recours formé par un professionnel mentionné au I de l'article L. 752-17 du code de commerce contre un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. » (CE, 23 décembre 2016, n° 398077).
L'autorisation unique, tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale, attire donc les règles relatives au contentieux de l'urbanisme.
L'illégalité d'une décision de modification du délai d’instruction fixant un délai inapplicable a pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’un permis tacite, a jugé le tribunal administratif de Marseille.
L’illégalité des mesures d’instruction prises par l’autorité compétente pour délivrer une autorisation d’urbanisme bénéficiait, jusqu’à récemment, d’une relative innocuité. Ainsi, une demande de pièces complémentaires infondée ne rendait pas le demandeur titulaire d’un permis tacite (CE, 90 décembre 2015, n° 390273), pas plus qu’une prolongation illégale du délai d’instruction (CAA de Marseille, chambre réunies, 5 avril 2017, n° 15MA01348).
Cette innocuité a connu un net recul, illustré par le (déjà célèbre) arrêt « commune de Saint-Herblain », rendu le 9 décembre 2022 par le Conseil d’Etat. Celui-ci a jugé que, à la suite des modifications des articles L. 423-1 et R. 423-41 du code de l’urbanisme opérées par la loi du 23 novembre 2018 (dite « loi ELAN ») et le décret du 21 mai 2019 pris pour son application, l'illégalité d'une demande tendant à la production d'une pièce qui ne peut être requise a désormais pour effet de rendre le demandeur titulaire d'une autorisation tacite :
« 4. (…) Aux termes de l'article R. 423-41 du même code dans sa rédaction issue du décret du 21 mai 2019 modifiant diverses dispositions du code de l'urbanisme pris pour l'application de la loi du 23 novembre 2018 : " Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R*423-38 ou ne portant pas sur l'une des pièces énumérées par le présent code n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R*423-23 à R*423-37-1 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R*423-42 à R*423-49. ". Enfin, l'article R. 424-1 du même code prévoit qu'à défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction, déterminé comme il vient d'être dit, le silence gardé par l'autorité compétente vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable.
5. Il résulte de ces dispositions qu'à l'expiration du délai d'instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l'urbanisme relatives à l'instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d'instruction n'est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande puisse y faire obstacle» (CE, 9 décembre 2022, n° 454521).
Cette innocuité connait aujourd’hui un nouveau recul, selon le tribunal administratif de Marseille, qui a jugé que la modification illégale du délai d’instruction a elle aussi pour effet de rendre le demandeur titulaire d'une autorisation tacite :
« 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : « Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. ». Aux termes de l’article R. 423-23 de ce code : « Le délai d'instruction de droit commun est de : / (…) / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager ». Aux termes de l’article R. 423-38 du code de l’urbanisme : « Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l’autorité compétente, dans le délai d’un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l’auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d’avis de réception (…) indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ». Aux termes de l’article R. 423-39 du même code : « L’envoi prévu à l’article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu’à défaut de production de l’ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l’objet d’une décision tacite de rejet en cas de demande de permis (…) ;/ c) Que le délai d’instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie ». Aux termes de l’article R. 423-19 du code de l’urbanisme : « Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ». Aux termes de l’article R. 423-24 du même code : « Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois : a) lorsque le projet est soumis, dans les conditions mentionnées au chapitre V, à un régime d’autorisation ou à des prescriptions prévues par d’autres législations ou réglementations que le code de l’urbanisme (…) c) Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques ; ».
3. Il résulte de ces dispositions qu’en l’absence de notification d’une décision expresse de l’administration, d’une demande de pièces complémentaires ou d’une notification de majoration, de prolongation ou de suspension du délai d'instruction, un permis de construire tacite naît à l’issue d’un délai de trois mois suivant le dépôt de la demande, lorsque celle-ci porte sur un immeuble autre qu’une maison individuelle au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation.
4. En application de ces dispositions, le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle.
5. En l’espèce, la société… a déposé une demande de permis de construire le 30 septembre 2020. Le service instructeur a formulé une demande de pièces complémentaires le 27 octobre 2020, dans le délai prescrit d’un mois, auquel a répondu la société… le 1er décembre 2020, date à laquelle le dossier est réputé complet. Si par ledit courrier du 27 octobre 2020, la commune a opposé au constructeur une prorogation de délai d’un mois en application de l’article R. 423-4 du code de l’urbanisme dont elle ne conteste pas l’illégalité, cette erreur a pour conséquence de rendre inopposable au pétitionnaire le délai d’instruction modifié. Le délai d’instruction étant de trois mois, la société… est fondée à soutenir qu’elle était titulaire d’un permis de construire tacite depuis le 1 er mars 2020 que l’arrêté attaqué a eu pour effet de retirer» (TA de Marseille, 6 février 2023, n° 2103735).
Le Conseil constitutionnel, saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionalité, a déclaré conforme à la Constitution la procédure instaurant un recours préalable obligatoire contre les avis conformes de l’architecte des bâtiments de France pour les travaux dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques.
Décision n° 2022-1032 QPC du 27 janvier 202
M. Osman B. [Recours contre l’avis défavorable de l’architecte des Bâtiments de France à l’occasion du refus d’autorisation de certains travaux]
Le Conseil Constitutionnel, saisi par une QPC transmise par la juridiction administrative, s’est prononcé sur la conformité à la Constitution des dispositions de l’article L. 632-2 du code du patrimoine, le requérant critiquant le fait qu’il n’est nullement précisé, dans le texte, « si le recours administratif prévu contre l’avis négatif de l’architecte des Bâtiments de France doit obligatoirement être exercé préalablement au recours contentieux contre le refus d’autorisation d’urbanisme faisant suite à cet avis. » (§ 3)
Ce faisant, le requérant critiquait et cherchait en réalité à renverser la jurisprudence constante du Conseil d’Etat en matière de recours préalable obligatoire, laquelle considère qu’une requête en annulation est irrecevable en l’absence d’un pareil recours.
En effet, et pour rappel – nous renvoyons sur ce point à l’étude consacrée au recours administratif préalable obligatoire élaborée en 2008 par la Section du Rapport et des Etudes du Conseil d’Etat –, une personne soumise à l’obligation de recours administratif préalable n’est, sauf disposition contraire, recevable à présenter un recours contentieux qu’à la condition de l’avoir elle-même formé antérieurement à la saisine du juge administratif (par exemple : CE, Sect., 28 juin 2013, SAS Coutis, n° 355812).
Le fondement de cette règle jurisprudentielle est assez clair : la décision issue du recours préalable se substituant à la décision initiale, seule celle-ci doit être déférée devant le juge de l’excès de pouvoir.
Pour stricte qu’elle puisse apparaître, cette règle connaît toutefois des infléchissements.
Certes, dans l’hypothèse où la substitution entre la décision initiale et la décision rendue sur RAPO est d’ores intervenue avant l’introduction de la requête, les conclusions de celle-ci sont irrecevables (CE, Section, 18 novembre 2005, Houlbreque, n° 270075 ; CE, 8 juillet 2005, Ministre de la Santé, de la famille et des personnes handicapées, n° 264366).
Toutefois, d’une part, le juge administratif ne s’empêche pas de requalifier d’office les conclusions du requérant, en les regardant comme dirigées contre la décision prise sur recours administratif préalable obligatoire dans l’hypothèse où une décision sur RAPO est intervenue (CE, 19 décembre 2008, Mme Mellinger épouse Praly, n° 297187, A).
Par ailleurs, « dès lors que le RAPO a été adressé à l'administration préalablement au dépôt de la demande contentieuse, la circonstance que cette dernière demande ait été présentée de façon prématurée, avant que l'autorité administrative ait statué sur le recours administratif, ne permet pas au juge administratif de la rejeter comme irrecevable si, à la date à laquelle il statue, est intervenue une décision, expresse ou implicite, se prononçant sur le recours administratif. » (CE, 16 juin 2021, n° 440064).
En ce qui concerne plus précisément les dispositions de l’article L. 632-2 du code du patrimoine, leur incidence sur les autorisations d’urbanisme résulte des articles R. 423-54[1] et R. 424-14 du code de l’urbanisme.
Ce dernier article dispose en effet :
« Lorsque le projet est situé dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d’opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d’accord de l’architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, d’un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’opposition ou du refus.
Le préfet de région adresse notification de la demande dont il est saisi au maire s’il n’est pas l’autorité compétente, et à l’autorité compétente en matière d’autorisations d’urbanisme.
Le délai à l’issue duquel le préfet de région est réputé avoir confirmé la décision de l’autorité compétente en cas de recours du demandeur est de deux mois.
Si le préfet de région infirme le refus d’accord de l’architecte des Bâtiments de France, l’autorité compétente en matière d’autorisations d’urbanisme statue à nouveau dans le délai d’un mois suivant la réception de la décision du préfet de région. »
Il résulte de ces dispositions que, quels que soient les moyens sur lesquels son recours est fondé, un pétitionnaire n’est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre la décision de refus d’une autorisation d’urbanisme portant sur un immeuble situé dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, faisant suite à un avis négatif de l’architecte des Bâtiments de France, s’il n’a pas, préalablement, saisi le préfet de région, selon la procédure spécifique définie à l’article R. 424-14 du code de l’urbanisme.
Un requérant qui saisit directement le juge administratif peut se voir opposer l’irrecevabilité de sa demande faute d’avoir exercé préalablement un recours préalable obligatoire, quand bien il ne lui aurait pas été indiqué qu’il devait au préalable saisir l’administration, (voir sur ce point, s’agissant d’une décision de l’ABF : CE, 28 mai 2010, Dufour, n° 327615, fiché B).
En l’espèce, le Conseil constitutionnel n’a pas remis en cause ce corpus juridique bien établi par le juge administratif, écartant les deux moyens soulevés par le demandeur.
Fut tout d’abord écarté le moyen tiré de l’incompétence négative du législateur, au motif les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions administratives relevaient de la compétence réglementaire au sens des articles 34 et 37 de la Constitution.
Elément intéressant, le Conseil constitutionnel a précisé que, l’instauration d’un recours préalable obligatoire ne remettant pas en cause le droit des administrés d’agir en justice, pareille exigence ne portait pas atteinte au droit à un recours effectif tel qu'il résulte de l'article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Quant au moyen tiré de la méconnaissance de l’objectif d’intelligibilité et de clarté de la loi, celui-ci fut implicitement écarté.
Ce recours préalable obligatoire est ainsi préservé.
[1] « Lorsque le projet est situé dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, l’autorité compétente recueille l’accord de l’architecte des Bâtiments de France. […] »
Une association peut contester un permis de construire tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale à la fois en tant qu’il vaut autorisation de construire et en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale, pour autant qu’elle justifie d’un intérêt pour agir contre chacune de ces autorisations.
L’article L. 600-1-4 du code de l’urbanisme dispose :
« Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions.
Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ».
Ces dispositions ne remettent pas en cause les modalités classiques de l’intérêt à agir des associations, rappelle le Conseil d’Etat dans un arrêt du 30 décembre 2022, censurant les premiers juges pour erreur de droit :
« 3. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une association puisse contester un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale à la fois en tant qu'il vaut autorisation de construire et en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, pour autant qu'elle justifie d'un intérêt pour agir contre chacune de ces autorisations. Dès lors, il appartenait à la cour administrative d'appel de Marseille, pour déterminer la recevabilité des conclusions présentées par l'association En toute franchise département du Var contre le permis litigieux en tant qu'il valait autorisation de construire, lesquelles étaient présentées en même temps que des conclusions dirigées contre le même permis en tant qu'il tenait lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, de rechercher si elle justifiait, au regard de l'objet défini par ses statuts et de son champ d'action géographique, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre chacune de ces autorisations.
4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour écarter les moyens tirés de la méconnaissance des règles définies par le code de l’urbanisme présentés à l’encontre du permis délivré par l’arrêté du 8 juillet 2020 en tant qu’il vaut autorisation de construire, la cour administrative d’appel de Marseille a relevé que l’association requérante avait pour objet principal la défense des intérêts collectifs de la profession de commerçant indépendant et d’artisan dans le département du Var alors même que ses statuts mentionnent également la défense et la préservation du cadre de vie contre toute atteinte qui y serait portée par la planification ou l’autorisation de surfaces destinées au commerce et en a déduit que c’est en application des dispositions de l’article L. 752-17 du code de commerce, et non en application des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, qu’elle disposait d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire attaqué. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu’en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit» (CE, 30 décembre 2022, n° 456413).
Le « considérant » de principe ci-dessus a été posé pour la première fois dans un arrêt du 7 octobre 2022, où les premiers juges ont été censurés pour dénaturation des pièces du dossier, tout commee dans un autre arrêt du 26 décembre 2022 :
« 4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour écarter comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le permis délivré par l’arrêté du 29 avril 2019 et le permis modificatif délivré par l’arrêté du 3 décembre 2020 en tant qu’ils valent autorisations de construire, la cour administrative d’appel de Marseille a relevé que l’association requérante avait pour objet la défense des intérêts collectifs des commerçants, indépendants et artisans dans le département de l’Hérault et en a déduit que, les autorisations de construire ne portant, par elles-mêmes, pas atteinte au commerce, ses statuts ne lui donnaient intérêt pour agir contre un permis de construire qu’en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale. En statuant ainsi, sans tenir compte des autres finalités poursuivies par l’association et retracées à l’article 2 de ses statuts mis au dossier du juge du fond, notamment « la défense et la préservation du cadre de vie contre toute atteinte qui y serait portée par la planification ou l’autorisation de surfaces destinées au commerce », la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Dès lors, l’arrêt doit être annulé en tant qu’il juge irrecevables les conclusions de l’association dirigées contre les arrêtés des 29 avril 2019 et 3 décembre 2020 en tant qu’ils valent autorisations de construire » (CE, 7 octobre 2022, n° 452959).
« 4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour écarter comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le permis délivré par l’arrêté du 18 décembre 2018 en tant qu’il vaut autorisation de construire, la cour administrative d’appel de Marseille a relevé que l’association requérante avait pour objet la défense des intérêts collectifs des commerçants, indépendants et artisans dans le département du Var et en a déduit que, les autorisations de construire ne portant, par elles-mêmes, pas atteinte au commerce, ses statuts ne lui donnaient intérêt pour agir contre un permis de construire qu’en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale. En statuant ainsi, sans tenir compte des autres finalités poursuivies par l’association retracées à l'article 2 de ses statuts et figurant dans les pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment « la défense et la préservation du cadre de vie contre toute atteinte qui y serait portée par la planification ou l’autorisation de surfaces destinées au commerce », la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Dès lors, l’arrêt doit être annulé en tant qu’il juge irrecevables les conclusions de l’association dirigées contre l’arrêté du 18 décembre 2018 en tant qu’il vaut autorisation de construire » (CE, 26 décembre 2022, n° 442811).
Ainsi, conformément au droit associatif, le Conseil d’Etat confirme la possibilité pour une association de posséder plusieurs facettes, sans que les membres poursuivant l’un ou l’autre de ses buts ne soient tenus de constituer une association distincte.
En l’occurrence, la construction d'ensembles commerciaux a suscité un regain associatif de la part d’habitants soucieux de placer le cadre de vie à l’abri de tels ensembles. Il est donc apparu normal que les associations en cause se dotent de deux facettes (urbanistique et commerciale), à l’instar du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, qui réunit deux autorisations : celle de construire et celle d’exploiter.
En dehors des cas où le projet serait de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d'exploitation de son établissement, le professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet, reste quant à lui cantonné à la contestation de l’autorisation d’exploitation commerciale, conformément à la jurisprudence classique du Conseil d’Etat et, en dernier lieu, aux dispositions de l’article L. 600-1-4 du code de l’urbanisme.
L’illégalité de l’autorisation de lotir ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre l'autorisation d'occupation des sols.
L'illégalité d'une décision individuelle devenue définitive peut être néanmoins être invoquée par voie d’exception à l’occasion d’un recours contre un acte ultérieur, à condition de former, avec ce dernier acte, une même opération complexe
« L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte » (CE, avis, 30 décembre 2013, n° 367615 ; CE, 17 décembre 1982, n° 355554).
Tel est par exemple le cas d’une autorisation de défrichement, dont la légalité peut être contestée dans le cadre d’un recours contre un permis de construire portant sur des travaux nécessitant une telle autorisation (CE, 15 octobre 2004, n° 227506 ; CAA de Bordeaux, 21 février 2008, n° 05BX02164).
Tel n’est en revanche pas le cas d’une autorisation de lotir, a jugé le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 22 décembre 2022 :
« 4. Une autorisation d'occupation des sols délivrée sur l'un des lots issus d'une division foncière ayant donné lieu à une autorisation de lotir n'est pas prise pour l'application de la décision par laquelle l'administration a délivré l'autorisation de lotir, cette dernière ne constituant pas non plus la base légale de la première. Par suite, l'illégalité de la décision d'autorisation de lotir ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre l'autorisation d'occupation des sols.
Ainsi, l’illégalité du permis d’aménager un lotissement ou de la décision de non-opposition à la déclaration préalable d’un lotissement devenu définitif(ve) ne peut être invoquée dans le cadre d’un recours contre un permis de construire ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable de travaux accordé(e) dans le périmètre de ce lotissement.
Cela étant, l’exception d’illégalité d’un acte individuel, dans les autres cas où elle est possible, reste enfermée dans un délai d’un an, sauf circonstances ou délai particuliers (CE, 27 février 2019, n° 418950).
Crédit dessin: Michel Szlazak
Dans les abords d'un monument historique, un refus de permis de construire faisant suite à un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France doit, avant d'être contesté devant le juge, faire l'objet d'un recours préalable devant le préfet de région. Il en va de même lorsque la situation du projet dans ces abords qui est contestée par le demandeur, a jugé la cour administrative d’appel de Lyon.
La protection des abords des monuments historiques s’applique dans les conditions fixées à l’article L. 621-30 du code du patrimoine :
« I. – Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords.
La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel.
II. – La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.
En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci.
La protection au titre des abords s'applique à toute partie non protégée au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement protégé.
La protection au titre des abords n'est pas applicable aux immeubles ou parties d'immeubles protégés au titre des monuments historiques ou situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable classé en application des articles L. 631-1 et L. 631-2 (…) ».
Dans ces abords, la délivrance d’un permis de construire est en principe subordonnée à l’accord de l’architecte de bâtiments de France :
« Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, l'autorité compétente recueille l'accord ou, pour les projets mentionnés à l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine, l'avis de l'architecte des Bâtiments de France » (article R. 423-54 du code de l’urbanisme).
Si les abords sont à présent définis par un périmètre délimité au cas par cas, institué par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, nombreux sont les monuments relevant encore de l’ancienne règle des 500 mètres, applicable en l’absence d’un tel périmètre délimité.
En dehors de ces abords, l’avis de l’ABF est facultatif. Toutefois, c’est à lui seul, sous le contrôle du juge, de déterminer si un monument situé à moins de 500 mètres du projet est ou non visible :
« Lorsqu'une demande d'autorisation est présentée en vue d'édifier une construction sur un terrain situé à moins de 500 mètres d'un bâtiment inscrit à l'inventaire des monuments historiques, elle doit, pour l'application de l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 modifiée par la loi du 30 décembre 1966, être soumise à l'avis de l'administration chargée de la protection des monuments historiques aux fins, notamment, de déterminer si la construction en cause se trouverait ou non dans le champ de visibilité de ce monument » (CE, 14 avril 1976, n° 97807) ;
« Considérant que c'est à l'architecte des bâtiments de France qu'il appartient d'apprécier, sous le contrôle du juge, si un immeuble implanté à moins de 500 m d'un immeuble classé est ou non situé dans le champ de visibilité de ce dernier ; que par suite, pour l'application de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, toute la zone située à moins de 500 m d'un immeuble classé doit être regardée comme faisant l'objet d'une protection particulière au titre des monuments historiques, en sorte que le dossier joint à la demande de tout permis de construire dans cette zone doit comprendre une notice permettant d'apprécier l'impact visuel du projet » (CE, 12 mars 2007, n° 275287).
Quels que soient les moyens sur lesquels le recours est fondé, le pétitionnaire n'est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre la décision de refus de permis de construire portant sur un immeuble situé dans un secteur sauvegardé ou dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques faisant suite à un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France s'il n'a pas, préalablement, saisi le préfet de région, selon la procédure spécifique définie à l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme (CE, 12 février 2014, n° 359343), qui dispose :
« Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. Le demandeur précise lors de sa saisine s'il souhaite faire appel à un médiateur désigné dans les conditions prévues au III de l'article L. 632-2 du code du patrimoine. Dans ce cas, le préfet de région saisit le médiateur qui transmet son avis dans le délai d'un mois à compter de cette saisine (…) ».
Par un arrêt du 22 février 2022, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que cette saisine préalable est obligatoire, à peine d’irrecevabilité du recours formé devant le juge, même pour contester la situation du projet dans les abords du monument, au motif par exemple que le second ne serait pas visible depuis le premier :
« 7. Il ressort des pièces du dossier que l'architecte des Bâtiments de France, consulté au titre de la protection de abords de l'église Saint-Jean-Baptiste de Megève, qui a été inscrite en octobre 1988 à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, a rendu le 11 juin 2020 trois avis défavorables aux projets de M. B.... Contrairement à ce que soutient ce dernier, il ressort sans ambiguïté de ces avis, qui ont été communiqués régulièrement au pétitionnaire, que l'architecte des Bâtiments de France, qui a cité les textes applicables, précisé que l'immeuble était dans le champ de visibilité du monument historique, indiqué ne pas donner son accord au projet et mentionné les voies et délais de recours contre ces avis, a rendu un avis conforme négatif. Le maire de Megève ayant visé dans les arrêtés en litige l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France, indiqué que selon cet avis le projet était susceptible d'affecter les abords de ce monument, et relevé l'atteinte que le projet était susceptible de porter à la conservation ou à la mise en valeur des abords de l'église Saint-Jean-Baptiste s'est fondé sur ces avis pour rejeter les demandes, sans que l'intimé puisse utilement faire état des indications erronées fournies ultérieurement par la commune de Megève en première instance. Si M. B... soutient par ailleurs que le projet, situé à moins de cinq cents mètres de l'église Saint-Jean-Baptiste, ne serait pas en situation de covisibilité avec cet édifice, et que l'avis rendu ne pouvait de ce fait pas être un avis conforme, il lui appartenait de contester cette appréciation à l'occasion du recours préalable obligatoire devant le préfet de région. Dans ces conditions, M. B... n'était pas recevable à former un recours contre les refus de permis de construire sans avoir préalablement saisi le préfet de région d'un recours contre les avis de l'architecte des Bâtiments de France. Par suite, les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble étaient irrecevables » (CAA de Lyon, 22 février 2022, n° 21LY02757).
A la différence de son rapporteur public et d’un précédent arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Marseille, la cour administrative d’appel n’a pas examiné au fond la question de cette covisibilité, et fait entrer cet examen dans le champ du recours préalable devant le préfet de région, quand bien même, à l’issu de cet examen, l’immeuble se trouverait exclu des abords du monument du fait de l’absence de visibilité avec le monument.
C’est donc l’entièreté de l’appréciation portée par l’ABF, y compris celle de cette visibilité, qui est soumise à ce recours préalable obligatoire, sans lequel le juge ne peut rendre à l’avis son vrai visage, en l’occurrence un avis simple lorsque l’ABF se méprend sur cette visibilité.
Dessin: Michel Szlazak
Par une décision rendue le 12 avril dernier, le Conseil d’Etat vient restreindre encore davantage l’intérêt pour agir des associations de contester par la voie contentieuse les autorisations d’urbanisme, quelques jours seulement après la décision du Conseil constitutionnel du 1er avril 2022, laquelle avait jugé conformes à la Constitution les dispositions de l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, selon lesquelles une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire (voir https://www.andreani-humbert.fr/avocats-marseille-actualites/292-legalite-vs-securite-juridique-la-restriction-apportee-par-la-loi-elan-aux-recours-des-associations-est-jugee-conforme-a-la-constitution).
Dans l’arrêt rendu par les juges du Palais-Royal, il était question de l’association Vivre l'Ile 12/12, laquelle avait formé un appel contre un jugement du tribunal administratif de Nantes rejetant le recours formé contre une autorisation d’urbanisme délivrée par la commune de Noirmoutier.
L’association n’était qu’intervenante en première instance – intervention par ailleurs rejetée par les juges du tribunal administratif –, et son appel, admis par les magistrats de la Cour de Nantes, avait conduit à l’annulation de la décision initialement querellée – cet arrêt fit l’objet du pourvoi.
Pour rappel, de jurisprudence constante, la personne physique ou morale qui intervient en première instance, à l’appui d’une demande ou en défense à celle-ci, n’est recevable à faire appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de son intervention que si elle aurait eu qualité, soit pour introduire elle-même le recours sur lequel statue ce jugement, soit pour former tierce-opposition à ce dernier (CE, Sect., 9 janvier 1959, Sieur Harenne, n° 41383, Rec. p. 24).
Au demeurant, un intervenant en première instance a toujours qualité pour former un appel contre l’article d’un jugement ayant refusé d’admettre son intervention (CE, Sect., 6 novembre 1959, Dame Pomar, Rec. p. 583).
En l’espèce, les juges d’appel nantais ont considéré, contrairement à la position adoptées par les premiers juges, que l’association appelante, Vivre l’Ile 12/12, disposait d’un intérêt pour agir qui lui aurait permis, le cas échéant, d’introduire la demande initiale d’annulation contre le permis de construire délivré par la commune de Noirmoutier.
Toutefois, pour le Conseil d’Etat, l’objet même de ladite association, relevant de la préservation générale de la nature et de l’environnement (« assurer la protection de la nature et de l'environnement de l'île de Noirmoutier, de sauvegarder sa flore, sa faune, ses réserves naturelles, en tenant compte du milieu dont elles dépendent, de veiller au bon équilibre des intérêts humains, sociaux, culturels, scientifiques, économiques, sanitaires et touristiques »), ne pouvait caractériser l’existence d’un intérêt à agir suffisant, dès lors que l’autorisation d’urbanisme portait sur la construction d'une maison individuelle sur un terrain d’ores et déjà grevé d’une construction, dans une zone elle-même urbanisée.
Ce faisant, cet arrêt s’inscrit dans un mouvement pérenne de restriction de l’accès au juge administratif, statuant en matière d’urbanisme, pour les associations, à rebours des cas plus généraux dans lesquels l’intérêt pour agir s’apprécie au regard de l’objet social de l’association tel qu’il figure dans les statuts, le lien entre le recours d’une association et son objet social devant alors être suffisamment direct (CE, 30 décembre 2014, Association des familles victimes de saturnisme, n° 367523).
Ainsi qu’avait pu le rappeler Jean-Marc SAUVE lors de son intervention à l’occasion de la rentrée solennelle de l’École de formation professionnelle des barreaux de la Cour d'appel de Paris, le 3 janvier 2011, le requérant, en excès de pouvoir, n’est pas « tenu de justifier d'un droit subjectif lésé, mais d'un simple intérêt pour agir, notion qui est largement entendue par le juge » ; il en est différemment lorsqu’il est question d’une autorisation d’urbanisme.
Ainsi que l’illustre le cas d’espèce, la lecture qui est effectuée par le juge administratif tend à présumer une absence d’atteinte à la nature et à l’environnement lorsqu’il est question d’une construction en remplaçant une autre, d’ores et déjà existante, au sein d’un ensemble urbanisé.
Pourtant, à défaut d’une construction à l’identique ou quasiment similaire, il est possible de penser que le renouvellement du bâti peut avoir des conséquences sur la nature et l’environnement des lieux.
En tout état de cause, au vu de cette précision jurisprudentielle, pour pouvoir continuer d’agir en de pareilles circonstances, les associations de défense de la nature et de l’environnement devront nécessairement préciser la consistance de leurs champs d’intervention.
Crédit dessin: Michel Szlazak
Par une décision du 1er avril 2022, le Conseil Constitutionnel juge conforme à la Constitution les dispositions de l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, selon lesquelles une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.
La loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement avait créé l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, visant à neutraliser les recours formés contre les autorisations d’urbanisme par des associations dont la création a été provoquée par le projet contesté.
Cet article disposait alors :
« Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ».
La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique est venu aggraver cette restriction, en ajoutant à cette condition d’antériorité un délai d’un an :
« Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ».
Par une décision n° 2022-986 QPC du 1er avril 2022, le Conseil Constitutionnel a jugé cette aggravation conforme à la Constitution :
« 1. L'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 novembre 2018 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ».
2. L'association requérante, rejointe par la partie intervenante, reproche à ces dispositions de priver les associations dont les statuts ont été déposés depuis moins d'un an de toute possibilité d'agir en justice pour défendre leur objet social, alors même que leurs recours ne seraient ni dilatoires ni abusifs. Il en résulterait une atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif. Pour les mêmes motifs, l'association requérante estime que ces dispositions méconnaîtraient la liberté d'association.
3. En outre, elles font valoir que ces dispositions introduisent une différence de traitement injustifiée entre les associations au motif que le critère temporel retenu par le législateur pour apprécier la recevabilité de leur recours serait sans lien avec leur intérêt à agir.
4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « au moins un an » figurant à l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme.
5. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.
6. L'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme détermine les conditions de recevabilité d'un recours formé par une association contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols.
7. Les dispositions contestées de cet article prévoient que ne sont recevables à former un tel recours que les associations ayant déposé leurs statuts au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.
8. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a souhaité que les associations qui se créent aux seules fins de s'opposer à une décision individuelle d'occupation ou d'utilisation des sols ne puissent la contester. Il a ainsi entendu limiter les risques particuliers d'incertitude juridique qui pèsent sur ces décisions d'urbanisme et prévenir les recours abusifs et dilatoires.
9. En second lieu, d'une part, les dispositions contestées restreignent le droit au recours des seules associations dont les statuts sont déposés moins d'un an avant l'affichage de la demande du pétitionnaire sur laquelle porte la décision qu'elles entendent contester. D'autre part, cette restriction est limitée aux décisions individuelles relatives à l'occupation ou à l'utilisation des sols.
10. Par conséquent, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif. Ce grief doit donc être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté d'association et le principe d'égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution».
Cette politique de restriction, dans un objectif de sécurité juridique, marque en tout état de cause un nouveau recul du principe de légalité, dont les associations sont un puissant levier :
« (…) Si des abus peuvent exister, il ne faut pas perdre de vue que les recours de ces groupements constituent un puissant aiguillon du contrôle de l'administration par le juge. Et telle est bien la raison de la définition très généreuse de l'intérêt à agir en excès de pouvoir, recours qui, selon l'expression du commissaire du gouvernement Pichat, constitue « un instrument mis à la portée de tous pour la défense de la légalité méconnue » (concl. sur CE 8 mars 1912, Lafage, S. 1913.3.1) » (F. Raynaud, P. Fombeur, Qualité pour ester en justice de l'organe tenant des statuts le pouvoir de représenter en justice l'association ou le syndicat, AJDA 1998 p.413).
Crédit dessin: Michel Szlazak
Par un arrêt du 31 janvier 2022, le Conseil d’Etat juge que le principe de cristallisation des règles d’urbanisme dans un lotissement s’oppose à ce qu’il soit sursis à statuer sur une demande de permis de construire.
L’article L. 442-14 du code de l’urbanisme dispose :
« Lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date.
Lorsque le lotissement a fait l'objet d'un permis d'aménager, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de délivrance du permis d'aménager, et ce pendant cinq ans à compter de l'achèvement des travaux constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ».
L’article L. 153-11 du même code dispose :
« L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ».
Le Conseil d’Etat avait déjà assimilé le sursis à statuer à un refus d’autorisation (CE, 9 mars 2016, n° 383060).
Dans cette logique d’assimilation, par un arrêt du 31 janvier 2022, il juge que le sursis à statuer tombe sous le coup de l’impossibilité de refuser un permis de construire dans le périmètre d’un lotissement, tant que les règles d’urbanisme y sont cristallisées :
« 4. Il résulte de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme que l'autorité compétente ne peut légalement surseoir à statuer, sur le fondement de l'article L. 424-1 du même code, sur une demande de permis de construire présentée dans les cinq ans suivant une décision de non-opposition à la déclaration préalable de lotissement au motif que la réalisation du projet de construction serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme.
5. Par suite, après avoir relevé que le maire de Rillieux-la-Pape avait, le 12 avril 2018, pris une décision de non-opposition à la déclaration préalable de lotissement, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que ce maire avait entaché sa décision d'illégalité en n'opposant pas, le 5 janvier 2019, soit moins de cinq ans après cette décision de non opposition, un sursis à statuer à la demande de permis de construire présentée sur une parcelle du lotissement ainsi autorisé, au motif que le projet litigieux était de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme et de l'habitat de la métropole de Lyon» (CE, 31 janvier 2022, n° 449496).
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La notification prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme est régulièrement accomplie lorsqu’elle est faite à l'adresse indiquée sur l’arrêté accordant le permis de construire. Toutefois, lorsque le bénéficiaire du permis est une société, cette notification peut être effectuée à une autre adresse, à savoir son siège social.
CE, 20 octobre 2021, n° 444581
« 2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de (...) recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt (...) du recours. (...) ". Ces dispositions visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours gracieux ou contentieux dirigé contre elle. Si, à l'égard du titulaire de l'autorisation, cette formalité peut être regardée comme régulièrement accomplie dès lors que la notification lui est faite à l'adresse qui est mentionnée dans l'acte attaqué, la notification peut également être regardée comme régulièrement accomplie lorsque, s'agissant d'une société, elle lui est adressée à son siège social.
3. Pour juger irrecevable, sur le fondement des dispositions précitées, le recours contentieux formé par M. et Mme N... et M. et Mme C... contre l'arrêté du 29 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que les requérants n'avaient pas régulièrement satisfait à leur obligation de notifier leur recours gracieux à la société titulaire de l'autorisation contestée en expédiant cette notification à l'adresse de son siège social, située à Issy-les-Moulineaux, et non à l'adresse de son établissement secondaire, située à Angers, figurant sur l'arrêté du 29 janvier 2015 et sur le panneau d'affichage du permis accordé par cet arrêté. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, M. et Mme N... et M. et Mme C... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il rejette leur requête (…) »
Pour faciliter l’accomplissement de la formalité de notification prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat considère celle-ci comme régulièrement accomplie lorsqu’elle l’est aux nom(s) et adresse(s) indiqués sur l’arrêté accordant le permis.
« 4. Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article R.*600-1, il appartient à l'auteur d'un recours tendant à l'annulation d'un permis de construire d'adresser au greffe de la juridiction copie du certificat de dépôt de la lettre recommandée par laquelle il a adressé copie de son recours à l'auteur de la décision contestée et au titulaire de l'autorisation ; qu'à l'égard de ce dernier, la formalité doit être regardée comme régulièrement accomplie lorsque la notification est faite au titulaire de l'autorisation tel que désigné par l'acte attaqué, à l'adresse qui y est mentionnée » (CE, 4 décembre 2017, n° 407165).
Tel est le cas même en cas d’erreur ou omission affectant l’arrêté. Ainsi, en cas de pluralité de demandeurs, la notification doit être effectuée à chacun d’entre eux, tels que désignés, avec leur adresse, dans l'acte attaqué (CE, 4 décembre 2017, n° 407165, RDI 2014 p. 362) ; au contraire, le recours n’a pas à être notifié aux demandeurs que l’autorité compétente a omis de mentionner dans l’arrêté (CAA de Lyon, 24 novembre 2020, n° 19LY04648 ; CAA de Marseille, 4 novembre 2020, n° 20MA03821) ; TA de Marseille, 14 mars 2019, n° 1706064), même s’ils n’ont pas manqué de diligence. Les demandeurs conjoints sont donc toujours censés communiquer entre eux (tout comme en cas de refus de permis, l’autorité compétente n’étant pas tenue de notifier ce refus à chacun des demandeurs conjoints : CE, 2 avril 2021, n° 427931).
Cette même logique de communication prévaut lorsque la notification prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme n’est pas effectuée aux coordonnées figurant sur l’arrêté. Ainsi, dans ce cas, sont également censés communiquer entre eux :
A fortiori, sont également censés communiquer entre eux le siège social et les différents établissements d’une même société, en l’occurrence ceux d’un promoteur immobilier titulaire d’un permis de construire. C’est ce qu’a jugé le Conseil d’Etat dans l’arrêt du 20 octobre 2021, en considérant que la notification effectuée à ce siège permettait de regarder le bénéficiaire comme informé à bref délai de la formation du recours. Ce qui est bien le cas en théorie, indépendamment des considérations pratiques tenant à la communication plus ou moins efficiente avec les différents services. L’établissement secondaire, dont les coordonnées étaient indiquées sur l’arrêté de permis, n'est pas doté de la personnalité morale, et est réputé communiquer en temps réel avec le siège.
La solution devrait donc être transposable aux services de l’autorité compétente (à qui le recours doit également être notifié), censés communiquer entre eux avec la même célérité que celle ici attendue de la société bénéficiaire du permis.
Crédit dessin: Michel Szlazak
Par un arrêt n° 442182 du 6 octobre 2021, le Conseil d'Etat rappelle les obligations du demandeur et de l'administration, et précise celles du juge.
I/ Obligations du demandeur
Le Conseil d’Etat rappelle que « Lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment. De même, lorsqu'une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation » (voir également CE, 30 décembre 2020, n° 432421, ainsi que les jurisprudences de La Marque et Thalamy : CE, 16 mars 2015, n° 369553, CE, 9 juillet 1986, n° 51172).
Le demandeur est donc tenu de présenter une demande portant à la fois sur les nouveaux travaux envisagés et sur l’ensemble des travaux réalisés sans autorisation. Toutefois, dans le cas de travaux n’ayant pas respecté l’autorisation obtenue, cette exigence ne s’applique pas lorsque l’autorité compétente a omis de contester la conformité de ces travaux à la suite de la réception de la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux (CE, 26 novembre 2018, n° 411991).
II/ Obligations de l’administration
Le Conseil d’Etat rappelle que « Dans l'hypothèse où l'autorité administrative est saisie d'une demande qui ne satisfait pas à cette exigence [de présenter une demande portant également sur la régularisation des travaux réalisés illégalement], elle doit inviter son auteur à présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments devant être soumis à son autorisation ».
Le Conseil d’Etat rappelle toutefois que cette invitation n’est pas un préalable nécessaire à peine d’illégalité du refus d’une demande qui ne satisfait pas à ladite exigence :
« Cette invitation, qui a pour seul objet d'informer le pétitionnaire de la procédure à suivre s'il entend poursuivre son projet, n'a pas à précéder le refus que l'administration doit opposer à une demande portant sur les seuls nouveaux travaux envisagés ».
Dans un précédent arrêt, le Conseil d’Etat avait jugé que l’absence d’une telle invitation n’était pas privative d’une garantie (CE, 30 décembre 2020, n° 432421).
III/ Obligations du juge
Le Conseil d’Etat précise qu’un permis de construire délivré sur une demande ne satisfaisant pas à cette exigence doit faire l’objet d’une annulation totale.
En effet, le juge saisi d’un recours contre ce permis ne peut ni surseoir à statuer dans l’attente d’une régularisation de celui-ci, ni procéder à une annulation partielle :
« (…) Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
6. Toutefois, lorsque l'autorité administrative, saisie dans les conditions mentionnées au point 2 d'une demande ne portant pas sur l'ensemble des éléments qui devaient lui être soumis, a illégalement accordé l'autorisation de construire qui lui était demandée au lieu de refuser de la délivrer et de se borner à inviter le pétitionnaire à présenter une nouvelle demande portant sur l'ensemble des éléments ayant modifié ou modifiant la construction par rapport à ce qui avait été initialement autorisé, cette illégalité ne peut être regardée comme un vice susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ou d'une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du même code (…) ».
En effet, comme l’a précisé le rapporteur public dans ses conclusions sur cette affaire, une demande d’autorisation qui ne satisfait pas à cette exigence est considérée comme une demande tronquée, ne se prêtant pas à cette logique de régularisation.
Crédit dessin: Michel Szlazak
Dès lors que les concurrents actuels ou potentiels du demandeur participent à la désignation des personnalités qualifiées entrant dans la composition des CDAC, le droit de l’Union européenne s’oppose à la présence de ces personnalités au sein des CDAC (Commission départementale d’aménagement commercial).
En France, les chambres de commerce et d’industrie, qui représentent d’éventuels concurrents, sont présentes dans le process d’autorisation individuelle d’exploitation commerciale, ce qui n’est pas conforme avec le droit de l’Union.
La commission départementale d’aménagement commercial (la « CDAC »), instance départementale qui se prononce sur les autorisations d’exploitation commerciale, examine les projets de création ou d’extension de magasins de commerce de détail supérieurs à 1 000 m² de surface de vente.
La loi n° 2018-1021 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « ELAN » a modifié l’article L. 751-2 du code de commerce qui décrit la composition des CDAC : désormais, trois personnalités qualifiées représentant le tissu économique y siègent (une désignée par la chambre de commerce et d’industrie, une désignée par la chambre de métiers et de l’artisanat et une désignée par la chambre d’agriculture) .
Si les dispositions de cet article limitent le rôle de ces personnalités en précisant qu’elles ne prennent pas part au vote mais présentent la situation du tissu économique dans la zone de chalandise et l’impact du projet sur ce tissu économique ; l’adoption de cette nouvelle rédaction a posé cependant la question de sa conformité au droit de l’Union européenne.
En effet, l’article 14 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur prévoit :
« Les États membres ne subordonnent pas l’accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire au respect de l’une des exigences suivantes : (...) 6) l’intervention directe ou indirecte d’opérateurs concurrents, y compris au sein d’organes consultatifs, dans l’octroi d’autorisations ou dans l’adoption d’autres décisions des autorités compétentes, à l’exception des ordres et associations professionnels ou autres organisations qui agissent en tant qu’autorité compétente ; cette interdiction ne s’applique ni à la consultation d’organismes tels que les chambres de commerce ou les partenaires sociaux sur des questions autres que des demandes d’autorisation individuelles ni à une consultation du public (...) ».
S’appuyant sur ces dispositions, la Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt en date du 15 juillet 2021, a jugé :
« L’article14, point 6, de la directive2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale prévoyant la présence, au sein d’une instance collégiale compétente pour émettre un avis sur l’octroi d’une autorisation d’exploitation commerciale, de personnalités qualifiées représentant le tissu économique de la zone de chalandise pertinente, et ce même si ces personnalités ne prennent pas part au vote sur la demande d’autorisation et se bornent à présenter la situation de ce tissu économique ainsi que l’impact du projet concerné sur ce dernier, pour autant que les concurrents actuels ou potentiels du demandeur participent à la désignation desdites personnalités » (CJUE, 15 juillet 2021, BEMH et conseil national des centres commerciaux, n° C-235/20).
La justice européenne considère que l’interdiction visée à l’article 14, point 6, de la directive 2006/123 est « formulée de manière large et susceptible de comprendre toute intervention, en-dehors des ordres et des associations professionnelles ou d’autres organisations qui agissent en tant qu’autorité compétente, aussi bien directe qu’indirecte, y compris au sein d’organes consultatifs, d’opérateurs concurrents du demandeur d’une autorisation d’exploitation commerciale, lorsqu’il est question d’octroyer une telle autorisation » (CJUE, 15 juillet 2021, BEMH et conseil national des centres commerciaux, n° C-235/20, §20).
Selon la Cour, l’influence sur le processus décisionnel exercée par des concurrents du demandeur d’une autorisation d’exploitation commerciale, quand bien même ceux-ci ne prendraient pas part au vote sur la demande, « est de nature à gêner ou rendre moins attrayant l’exercice » des libertés fondamentales que sont la liberté d’établissement et la libre circulation des services entre les Etats membres : « ces concurrents pourraient essayer de retarder l’adoption des décisions nécessaires, d’encourager l’adoption de restrictions excessives ou d’obtenir des informations importantes au regard de la concurrence » (CJUE, 15 juillet 2021, BEMH et conseil national des centres commerciaux, n° C-235/20, §24).
Le rôle des personnalités qualifiées entrant dans la composition des CDAC conformément aux dispositions de la loi ELAN, si ces dernières incarnent l’expression des intérêts des concurrents actuels ou potentiels du demandeur de l’autorisation ; peut donc relever de la notion d’intervention directe ou indirecte d’opérateurs concurrents, au sens de l’article 14, point 6, de la directive susvisée.
La Cour conclut donc que, dès lors que les concurrents actuels ou potentiels du demandeur participent à la désignation des personnalités qualifiées entrant dans la composition des CDAC, le droit de l’Union européenne s’oppose à la présence de ces personnalités au sein des CDAC.
Crédit dessin: Michel Szlazak
Article rédigé par Maître Joseph Andreani et Mansour Kada-Yahya, fonctionnaire territorial, chargé d'enseignement à l'université d'Aix-Marseille III.
L’action judiciaire en démolition prévue à l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme est réservée à « La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ». Par un arrêt du 21 janvier 2021, la cour de cassation a jugé que la commune restait compétente pour engager une telle action, même si elle ne dispose pas elle-même de la compétence en matière de plan local d’urbanisme.
L’article L. 480-14 du code de l’urbanisme prévoit, littéralement, que l’action en démolition peut être introduite alternativement par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme :
« La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié sans l'autorisation exigée par le présent livre ou en méconnaissance de cette autorisation dans un secteur soumis à des risques naturels prévisibles. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux ».
Cette disposition s’est avérée équivoque. Selon un jugement du tribunal administratif de Besançon et un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, seule la compétence en matière de PLU détermine la qualité pour agir en démolition sur le fondement de cet article :
« 3. En vertu du point A-2 de l’article 1 er de l’arrêté du préfet de la Haute-Saône du 11 janvier 2016, la communauté de communes de la Haute-Comté, à laquelle appartient la commune de Saint-Loup-sur-Semouse, est seule compétente pour l’élaboration, les révisions et les modifications d’un plan local d’urbanisme intercommunal, ainsi que des documents d’urbanisme préexistants.
4. Le maire de la commune de Saint-Loup-sur-Semouse n’était donc pas compétent pour saisir le tribunal de grande instance sur le fondement de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme et était dès lors tenu de rejeter la demande de Mme X. Les moyens soulevés par la requérante sont par conséquent inopérants» (TA de Besançon, 15 janvier 2019, n° 1701510) ;
« L'article L. 480-14 du code de l'urbanisme dispose : 'La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L. 421-8. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux.'
Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune de Lussac, seule la compétence en matière de plan local d'urbanisme détermine qui de la commune ou de l'EPCI a qualité pour agir en démolition.
La commune de Lussac verse au dossier les statuts de la communauté de communes dans lesquels, l'article II A. Alinéa 3 de ces statuts, attribue expressément à la communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais la compétence d'élaboration, de gestion et de suivi des documents d'urbanisme dont le plan local d'urbanisme intercommunautaire.
Il est constant que ce transfert s'est opéré à partir du 1er janvier 2013 et que, dès lors, la communauté de commune du Grand Saint-Emilionnais avait seule qualité pour agir en démolition de la construction de Mme C., et ce quand bien même la commune détenait la compétence du plan local d'urbanisme au moment de la délivrance du permis de construire.
Ainsi, la commune de Lussac n'avait pas qualité pour agir lorsqu'elle a assigné Mme C. le 25 août 2013, cette date étant postérieure à celle du transfert de la compétence du PLU à l'EPCI » (CA de Bordeaux, 2e chambre civile, 24 octobre 2019, n° 17/00442.
Le Conseil Constitutionnel a également considéré, de manière incidente, que « cette action en démolition ne peut être introduite que par les autorités compétentes en matière de plan local d'urbanisme » (décision n° 2020-853 QPC du 31 juillet 2020).
Cette lecture ne va pas de soi. Outre la lettre du texte, il ressort clairement des travaux législatifs ayant précédé la loi qui a institué cette action en démolition (loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages), que cette action a été avant tout conçue pour les maires, qui sont toujours en première ligne et mis en cause lorsque des travaux illégaux qui auraient dû être démolis ne l’ont pas été. Ainsi cette action de dix ans palie l’expiration plus rapide du délai de prescription pénale.
Les débats parlementaires (3ème séance du 6 mars 2003) laissent penser que le législateur a souhaité que les maires disposent toujours de cette action :
« Placés en première ligne, souvent mis en cause lors des catastrophes, les maires doivent disposer de moyens leur permettant de prévenir les risques naturels. Or ils sont aujourd'hui confrontés à la prescription de trois ans, qui s'applique à toutes les constructions, qui deviennent inattaquables par la puissance publique au-delà de ce délai. Une solution consisterait à permettre aux communes d'engager une action civile, alors qu'actuellement seule une action pénale est possible dans un délai de trois ans ».
« Les maires sont aujourd'hui confrontés à un obstacle important dans leur action de prévention des risques naturels du fait de la prescription de trois ans qui s'applique à toutes les constructions, rendant celles-ci inattaquables par la puissance publique au-delà de ce délai. Les maires, qui sont systématiquement mis en cause lors de catastrophes, sont souvent placés dans l'impossibilité d'anticiper les risques, même tout à fait prévisibles et évidents. La solution proposée consiste à permettre aux communes d'engager une action civile, alors que, pour l'instant, elles ont seulement accès à l'action pénale. La puissance publique aura ainsi la possibilité d'engager une action près du juge civil dans un délai de dix ans pour demander la démolition des bâtiments irrégulièrement édifiés sans que cela crée de dérogation à la prescription générale de trois ans prévue par l'article 8 du code de procédure pénale ».
L’esprit de la loi suppose donc que la commune dispose en tout état de cause de cette action.
Cette interprétation a été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 21 janvier 2021, rendu au visa de l’article L.480-14 susvisé :
« Il résulte de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme que la commune a qualité pour agir, concurremment avec l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme, pour exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits commis sur son territoire.
8. Il ressort de l’article L. 422-3 du code de l’urbanisme que la commune conserve, sauf délégation, sa compétence pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable.
9. Il s’ensuit que le transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme au profit d’un établissement public de coopération intercommunale ne prive pas la commune de toute compétence pour délivrer les autorisations et faire sanctionner la violation des règles d’urbanisme.
10. De surcroît, la réalisation de l’objectif d’intérêt général qui s’attache au respect de ces règles et justifie l’action en démolition ou en mise en conformité implique la faculté pour la commune d’exercer cette action en cas d’abstention de l’établissement public compétent en matière de plan local d’urbanisme, alors même qu’une violation de la règle d’urbanisme a été constatée.
11. Pour déclarer irrecevables les demandes de la commune, l’arrêt retient que seule la compétence en matière de plan local d’urbanisme détermine qui, de la commune ou de l’établissement, a qualité pour agir en démolition, que la commune verse au dossier les statuts de la communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais qui attribuent expressément à cette communauté la compétence d’élaboration, de gestion et de suivi des documents d’urbanisme, dont le plan local d’urbanisme intercommunautaire, et qu’il est constant que ce transfert s’est opéré à partir du 1er janvier 2013, de sorte que, à la date de l’assignation, la communauté de communes avait seule qualité pour agir en démolition de la construction de Mme G..., quand bien même la commune détenait la compétence du plan local d’urbanisme au moment de la délivrance du permis de construire.
12. En statuant ainsi, alors que la commune a, concurremment avec l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, qualité pour agir en démolition ou en mise en conformité, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 21 janvier 2021, n°20-10.602).
Ainsi, l’article L.480-14 du code de l’urbanisme n’a pas pour objet de priver la commune d’agir en démolition lorsqu’elle ne dispose pas ou plus de la compétence en matière de plan local d’urbanisme.
Crédit dessin: Michel Szlazak
La cour administrative d’appel de Marseille considère que l’article L. 412-4 du code des relations entre le public et l’administration s’applique en cas de recours gracieux dirigé contre un permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale.
Dans cette affaire, une société avait demandé un permis de construire pour la réhabilitation et l’extension d’un centre commercial, valant donc autorisation d’exploitation commerciale.
La commission départementale d’aménagement commercial (ci-après, la CDAC) a rendu un avis favorable sur le projet, contre lequel un recours a été exercé devant la Commission nationale d’aménagement commercial (ci-après, la CNAC). Cette dernière a émis un avis favorable au projet.
Dès lors, le maire a délivré le permis de construire demandé. Un recours gracieux a ensuite été formé contre l’arrêté municipal accordant le permis, puis un recours contentieux.
Par un arrêt en date du 22 mars 2021, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté ce dernier recours comme tardif, le recours gracieux n’ayant pas eu pour effet de conserver le délai de recours contentieux.
En droit, l’article L. 412-4 du code des relations entre le public et l’administration dispose :
« La présentation d'un recours gracieux ou hiérarchique ne conserve pas le délai imparti pour exercer le recours administratif préalable obligatoire non plus que le délai de recours contentieux ».
En l’espèce, la cour a fait application des dispositions de cet article et les a combinées avec celles de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme qui dispose, en ce qui concerne le point de départ du délai de recours contentieux, que : « Le délai de recours contentieux à l'encontre (…) d'un permis de construire (…) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ».
La cour administrative d’appel de Marseille a ainsi jugé :
« 5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux de constat réalisés par un huissier les 10 mai, 11 juin et 11 juillet 2019 que les mentions relatives au permis de construire délivré à la société Odysseum Place de France ont été affichées sur le terrain d’assiette du projet dans les conditions prévues à l’article R. 424-15 du code de l’urbanisme à compter du 10 mai 2019.
Il résulte des dispositions citées au point 3 que le recours gracieux formé le 28 juin 2019 par l’association En toute franchise département de l’Hérault n’a pas eu pour effet d’interrompre ce délai. En conséquence, le délai de recours contentieux de deux mois, prévu à l’article R. 421-1 du code de justice administrative a expiré le 12 juillet 2019. Les conclusions dirigées contre l’autorisation d’exploitation commerciale que l’association requérante a présentées par une requête enregistrée le 1er octobre 2019 sont donc tardives. » (CAA Marseille, 22 mars 2021, n° 19MA04442).
Il s’ensuit que, selon cet arrêt, en cas de recours contre l’avis de la CDAC devant la CNAC, un recours gracieux contre l’arrêté municipal accordant l’autorisation ne conserve pas le délai de recours contentieux.