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    Marchés et contrats administratifs

    Marchés et contrats administratifs

    dessin 07.10.21

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets introduit de nouvelles règles en matière de droit de la commande publique afin de mieux prendre en compte le développement durable lors de la passation des contrats.

    La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée introduit un nouvel article L. 3-1 dans le code de la commande publique (ci-après, le « CCP ») :

    « La commande publique participe à l’atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, dans les conditions définies par le présent code ».

    La nouvelle législation traduit donc cet objectif de développement durable par de nouvelles mesures de passation des contrats de la commande publique.

    Notons que la plupart de ces évolutions fixées par l’article 35 de la loi précitée entrera en vigueur au plus tard dans 5 ans, à une date qui sera fixée par décret non encore publié et que les marchés de défense et de sécurité ne sont pas concernés par cette réforme.

     

              A. Prise en compte de considérations environnementales à toutes les étapes de la passation du marché

    En premier lieu, la loi oblige l’acheteur à prendre en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale à toutes les étapes de la passation du marché dès la définition des spécifications (article L. 2111-2 al 2 du CCP).

    En deuxième lieu, la loi impose, pour les acheteurs soumis à l’obligation d’adopter un schéma promotion des achats publics socialement responsables, d’y inclure à partir du 1er janvier 2023 des indicateurs sur la part des achats socialement et écologiquement responsables réalisés par les collectivités ainsi que des objectifs à atteindre en la matière (article L. 2111-3 du CCP).

    Par ailleurs, les conditions d’exécution du contrat devront obligatoirement prendre en compte les considérations en matière d’environnement (article L. 2112-2 al. 2 du CCP). Cette évolution est majeure car les considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations relèveront toujours d’une prise en compte facultative. Notons que cette différence de traitement des considérations a été analysée par le Conseil d’Etat :

    S’agissant, en troisième lieu, des motifs d’exclusions de la procédure de passation, le futur article L. 2141-7-1 du CCP permettra à l’acheteur d’écarter la candidature d’une entreprise qui ne respecte pas ses obligations de transparence sur les actions menées en termes de prévention des risques sociaux et environnementaux dans le cadre de son activité.

    Ensuite, la loi commentée impose qu’au moins un des critères sur la base desquels l’offre économiquement la plus avantageuse est choisie prenne en compte « les caractéristiques environnementales de l’offre » (article L. 2152-7 du CCP). Cette disposition législative traduit la position du Juge européen qui avait déjà validé la prise en considération des critères écologiques, « pour autant que ces critères sont liés à l’objet du marché, ne confèrent pas audit pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix, sont expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché et respectent tous les principes fondamentaux du droit communautaire, notamment le principe de non-discrimination » (CJUE, 17 sept. 2002, n° C-513/99, Concordia Bus Finland).

    Enfin, d’autres obligations auront un impact sur les achats telle que la mise à disposition d’outils intégrant « le coût global lié notamment à l’acquisition, à l’utilisation, à la maintenance et à la fin de vie des biens ainsi que, lorsque c’est pertinent, les coûts externes supportés par l’ensemble de la société, tels que la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre, la perte de la biodiversité ou la déforestation » (article 36 de la loi n° 2021-1104 précitée) ou l’usage de matériaux biosourcés ou bas-carbone dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique (article 39 de la loi n° 2021-1104 précitée).

     

              B. Introduction de diverses obligations nouvelles en matière de restauration collective

    Au plus tard le 1er janvier 2022 et en application de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, les repas servis dans les restaurants collectifs doivent comprendre des aliments de qualité en développant le recours à des produits issus du commerce équitable.

    La loi commentée du 22 août 2021 vient renforcer ces obligations d’aliments de qualité et ajouter des spécifications techniques aux contrats potentiels de restauration scolaire et collective.

    Ainsi, lors de la passation des marchés publics de fourniture ou de services de produits agricoles et de denrées alimentaires, les acheteurs devront notamment :

    • Spécifier que 60% des viandes bovines, porcines, ovines et de volaille et les produits de la pêche seront des produits « dont l’acquisition a été fondée, principalement, sur les performances en matière de protection de l’environnement et de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, dans le respect des règles du code de la commande publique » (article L. 230-5-1 du code rural) ;
    • Obligatoirement prendre en compte «les conditions de fraîcheur, la nécessité de respecter la saisonnalité et le niveau de transformation attendu des produits » (article L. 230-5-1 du code rural) ;
    • Exiger que le service de restauration scolaire propose, au moins une fois par semaine, un menu végétarien (article L. 230-5-6 du code rural).

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    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Dans un arrêt en date du 17 juin 2021, la Cour de Justice de l’Union européenne (la « CJUE ») a jugé que la valeur maximale d’un accord-cadre à bons de commande doit obligatoirement être indiquée par l’acheteur dans l’avis de marché ou dans les documents de la consultation :

    « 62 En effet, les principes de transparence et d’égalité de traitement des opérateurs économiques intéressés par la conclusion de l’accord-cadre, énoncés notamment à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24, seraient affectés si le pouvoir adjudicateur originairement partie à l’accord-cadre n’indiquait pas la valeur ou la quantité maximale sur laquelle porte un tel accord (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice, C‑216/17, EU:C:2018:1034, point 64).

    63 À cet égard, l’indication par le pouvoir adjudicateur de la quantité et/ou de la valeur estimée ainsi que d’une quantité et/ou d’une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre revêt une importance considérable pour un soumissionnaire, dès lors que c’est sur la base de cette estimation que celui-ci sera en mesure d’apprécier sa capacité à exécuter les obligations découlant de cet accord-cadre. » (CJUE, 17 juin 2021, Simonsen & Weel A/S, aff. C-23/20).

    Début juillet, prenant acte de la jurisprudence de l’Union, la direction des affaires juridiques de Bercy avait alors annoncé la modification prochaine de la règlementation française :

    « Cet arrêt entraîne des conséquences sur le droit national et notamment les règles figurant aux articles R. 2121-8 et R.2162-4 du code de la commande publique qui seront prochainement modifiés afin de tirer les conséquences de la position du juge européen. » (Communiqué sur le site de la DAJ du ministère de l’économie et des finances).

    C’est dans ce cadre qu’a été publié le décret n° 2021-1111 du 23 août dernier : il supprime la possibilité de conclure des accords-cadres sans maximum de quantité et/ou de valeur estimée :

    Ainsi, depuis le 26 août dernier, l’article R. 2162-4 du code de la commande publique dispose :

    « Les accords-cadres peuvent être conclus :

    1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ;

    2° Soit avec seulement un maximum en valeur ou en quantité. »

    Ces nouvelles dispositions obligent donc les acheteurs à indiquer, dans les avis d’appel publics à la concurrence ou les documents de la consultation relatifs aux accords-cadres, la quantité ou la valeur maximale des prestations commandées en exécution de ce contrat.

    Aux termes de l’article 31 du décret susvisé, ces dispositions « s'appliquent aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2022. »

    Pour autant, le juge applique dès à présent la jurisprudence européenne :

    « La Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire précitée, saisie d’une question préjudicielle par la commission de recours en matière de marchés publics du Danemark, a dit pour droit, au vu des articles 18, 33 et 49 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014, qu’un accord-cadre devait indiquer dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges une valeur ou une quantité maximale pour la durée de l’accord-cadre ainsi que pour chacun de ses lots » (TA Bordeaux, 23 août 2021, n° 2103959).

    Dès lors que « ni l’avis de marché, dont la rubrique II.2 6) n’est pas remplie, ni le cahier des clauses techniques particulières ni aucune autre pièce du marché ne mentionnent la quantité ou la valeur maximale des produits à fournir dans le cadre du lot n°1 de l’accord-cadre en litige », le Juge considère que « alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’évaluation de cette valeur maximale, y compris approximative, ne serait pas possible, la procédure de passation de l’accord-cadre relative au lot n°1 ici en litige, compte tenu du manquement ainsi relevé, doit être annulée, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par la requête » (TA Bordeaux, 23 août 2021, n° 2103959).

    En cette période prolixe d’exercice du pouvoir réglementaire, certaines réformes n’ayant aucun lien avec la pandémie de COVID-19 – et la situation économique, sociale et sanitaire qui en découle – sont amorcées.

    Il en va ainsi d’une réflexion sur la place de l’oralité dans la procédure administrative contentieuse.

    Alors que la procédure était essentiellement écrite, est intervenu il y a quelques jours un décret introduisant une dose supplémentaire d’oralité.

    Ainsi, le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant expérimentation au Conseil d'Etat des procédures d'instruction orale et d'audience d'instruction et modifiant le code de justice administrative prévoit, pendant une durée de dix-huit mois devant le Conseil d’Etat, qu’« une instruction orale peut être organisée pour compléter l'instruction écrite » (article 1er du décret n° 2020-1404).

    Cette procédure orale peut intervenir :

    • Sous la forme d’une séance orale d’instruction - devant la formation chargée de l’instruction ou
    • Sous la forme d’une une audience publique d’instruction - devant la formation de jugement.

    Dans les deux cas, la formation « entend les parties sur toute question de fait ou de droit dont l'examen paraît utile » (article 2 et article 4) et a le pouvoir de convoquer « toute personne dont l'audition paraît utile » (article 3 et article 6 al.2).

    Dans les deux cas également, le courrier de convocation « fait état des questions susceptibles d'être évoquées » (article 3 et article 6).

    La différence entre les deux semble résider dans la faculté d’évoquer toute autre question que celles dont il a été fait état par le courrier de convocation.

    En effet, si l’article 3 prévoit cette possibilité pour la séance d’instruction, tel n’est pas le cas pour l’audience d’instruction.

    Cela étant, les parties conservent la faculté de « présenter des observations orales » à l’audience d’instruction (article 7)…  

    Bien qu’il ne s’agisse que d’une expérimentation devant le Conseil d’Etat, cette modification du code de justice administrative montre une progression de l’oralité devant le Juge administratif.

    Cette progression contraste avec sa nette diminution devant le juge judiciaire, devant lequel, dans la pratique, les présidents de formation de jugement préconisent l’absence pure et simple de plaidoirie.

    Le rapport d'évaluation de cette expérimentation, qui devrait être remis au garde des sceaux en avril 2022 (article 1er).

    fileUne formule de notation des prix conduisant à une prise en compte insuffisante des écarts de prix entre les différentes offres méconnaît les principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.
    CAA de Paris, 8 février 2016, n° 15PA02953:

    fileSi le pouvoir adjudicateur a décidé de faire usage de sa faculté de négocier dans le cadre d'une procédure adaptée, il doit en informer les candidats dès le lancement de la procédure et ne peut alors renoncer à négocier en cours de procédure. Il peut aussi se borner à informer les candidats, lors du lancement de la procédure, qu'il se réserve la possibilité de négocier, sans être tenu, s'il décide effectivement de négocier après la remise des offres, d'en informer l'ensemble des candidats.

    fileL'application d'une moyenne arithmétique peut aller à l'encontre des principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. La méthode de notation retenue par le pouvoir adjudicateur ne doit pas priver de leur portée les critères de sélection ou neutraliser leur pondération, en conduisant à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre.

    fileSi l'article 45 précité du Code des marchés publics autorise les soumissionnaires à s'adjoindre, notamment par voie de sous-traitance, le concours de spécialistes possédant les compétences dont eux-mêmes ne disposent pas afin de réunir l'ensemble des capacités requises à l'appui de leur candidature à l'attribution d'un marché public, c'est à la condition de ne pas méconnaître les dispositions déontologiques particulières régissant l'exercice de certaines activités et dont le pouvoir adjudicateur doit assurer le respect à tous les stades de la mise en concurrence. Tel est le cas des prestations juridiques.

    fileUn décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 a commencé la transposition des directives 2014/24/UE et 2014/25/UE relatives à la passation des marchés publics, en prévoyant le plafonnement des exigences des acheteurs publics quant à la capacité financière des entreprises, la diminution de certaines pièces exigibles au titre de la candidature, et l'instauration des partenariats d'innovation.

    filePar un arrêt du 28 décembre 2009, le Conseil d'Etat a reconnu en ces termes la faculté pour les parties de contester la validité du contrat qui les lie:

    chantierLa pratique consistant à tirer prétexte du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi pour remettre en cause le prix convenu contractuellement, et a fortiori pour en bénéficier rétroactivement, est prohibée en application des articles L. 441-7 et L. 442-6 du code de commerce.

    Question écrite n° 41355, Réponse JO Assemblée nationale du 1er juillet 2014, p. 5577