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    vendredi, 22 novembre 2013 14:46

    UN REFUS DE PERMIS DE CONSTRUIRE PEUT-IL SE FONDER SUR UN PLAN DE PRÉVENTION DES RISQUES EN COURS D'ÉLABORATION ?

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    clochetUn permis de construire ne peut être refusé au seul motif que le terrain figure dans une zone inconstructible au plan de prévention des risques en cours d'élaboration. Tant que ce plan n'est pas définitivement approuvé, l'autorité compétente doit elle-même rechercher l'existence d'un risque, et rapporter la preuve de son existence, faute de quoi le refus de permis de construire est illégal.
    TA de Marseille, 21 novembre 2013, n° 1300772


    " Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques " ;
    Considérant que la commune fait valoir, en défense, que le terrain d'assiette du projet de la requérante est affecté d'un risque fort d'inondation en ce qu'il se trouve situé immédiatement à l'arrière d'ouvrages d'endiguement ; que ce risque a justifié le classement de la parcelle de M. A en zone RH dans le cadre du projet de plan de prévention des risques inondation, c'est-à-dire en zone d'aléa fort où sont interdites toutes constructions nouvelles, l'aléa étant plus fort que l'inondation naturelle en cas de défaillance des ouvrages d'endiguement ; que, toutefois, il ne ressort pas clairement des pièces du dossier qu'un tel classement s'impose et que cette zone ne puisse pas être classée en aléa moyen et en zone constructible avec des prescriptions particulières ; que le permis de construire en cause comporte de telles prescriptions par la création d'un vide sanitaire d'une hauteur de un mètre ; qu'en outre, la commune de … n'apporte aucun élément de nature à mettre en doute la solidité de l'ouvrage qui protège le secteur considéré et le garantit contre toute inondation, et n'établit pas, ni même n'allègue, que ledit secteur aurait été submergé tant antérieurement que postérieurement à la réalisation de cet ouvrage de protection ;
    Considérant, dès lors, qu'en se bornant à se référer au zonage réalisé par le projet de plan de prévention des risques inondation, la commune n'apporte pas la preuve de la réalité du risque qu'elle invoque, lequel revêt un caractère purement hypothétique ; qu'il en résulte que la décision par laquelle le maire de la commune de … a refusé de délivrer un permis de construire à M. A est entachée d'erreur d'appréciation et doit être annulée ".
    Les plans de prévention des risques naturels prévisibles sont des documents élaborés par le préfet ayant pour objet de délimiter les zones exposées à différents risques naturels prévisibles (inondations, mouvements de terrain, avalanches, incendies de forêt...) et de définir des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui s'imposent.
    Ils sont régis par les articles L. 562-1 et suivants du code de l'environnement.
    En fonction de la nature et de l'intensité du risque encouru, ces plans peuvent rendre certains terrains inconstructibles, nonobstant toute disposition contraire de la carte communale, du plan d'occupation des sols ou du plan local d'urbanisme.
    Lorsque le préfet a prescrit l'établissement d'un plan de prévention des risques naturels, et qu'il est envisagé de rendre inconstructibles certaines zones délimitées sur le projet de carte d'aléa adressé aux communes, se pose le problème du sort des demandes de permis de construire déposées avant l'approbation définitive de ce plan.
    Selon l'article L. 562-2 du code de l'environnement, le préfet peut, en cas d'urgence et sous certaines conditions, décider d'appliquer ce plan de manière anticipée.
    Toutefois, lorsque ce plan n'est pas encore applicable, les maires peuvent être conduits à refuser les permis de construire sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, selon lequel " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " (voir en ce sens la réponse ministérielle n° 13609 du 10 février 2005, JO Sénat du 10 février 2005).
    Il incombe alors à la commune de rapporter la preuve de l'existence d'un risque " effectivement constaté " (CAA de Bordeaux, 4 octobre 2012, n° 11BX03201), propre à refuser le permis de construire.
    Cette preuve ne peut reposer sur le seul fait que le préfet envisage de classer le terrain dans une zone inconstructible dans le cadre d'un plan de prévention des risques. En effet, ce classement peut encore être infléchi tant qu'il n'a pas fait l'objet d'une approbation définitive.
    La preuve de l'existence d'un risque pèse au contraire sur le signataire du refus de permis de construire. Ainsi par exemple, si le terrain est inondable, il peut apprécier sa situation au vu des critères classiquement employés en matière de risque d'inondation, comme la hauteur d'eau ou la vitesse d'écoulement des eaux (CAA de Marseille, 12 avril 2012, n° 10MA00630).
    Cela implique de passer outre le zonage d'un projet de plan de prévention des risques si son bien-fondé n'est pas établi (TA de Marseille, 4 juillet 2013, n° 1206177 ; CAA de Versailles, 9 février 2012, n° 10VE02412 ; CAA de Marseille, 19 mai 2011, n° 09MA02291 ; CAA de Marseille, 23 octobre 2009, n° 07MA02818), faute de quoi, et comme l'illustre le jugement du 21 novembre 2013 reproduit ci-dessus, le refus de permis de construire encourt l'annulation devant les tribunaux administratifs.