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    mardi, 05 janvier 2021 10:21

    Urbanisme commercial : une circulaire pour prévenir l’artificialisation des sols

    Écrit par Victoria Azkoul

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    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Le Gouvernement a défini, en 2018, l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) et a recommandé de freiner l’artificialisation brute des sols.

    Dans ce cadre, la convention citoyenne pour le climat a adopté plusieurs propositions. Par une circulaire en date du 24 août 2020, le Premier ministre a alors indiqué aux préfets qu’une traduction législative et réglementaire de ces propositions n’est pas nécessaire à cet objectif.

    En effet, la législation de l’aménagement commercial prend déjà en compte les effets de l’implantation ou de l’extension d’équipements commerciaux sur les sols (I).

    La circulaire demande donc aux préfets d’utiliser toutes leurs prérogatives pour veiller au respect de la réglementation en vigueur (II).

       I. La législation permet déjà aujourd’hui de lutter contre l’artificialisation croissante des sols

    Monsieur le Premier ministre rappelle que « les surfaces commerciales et économiques représentent 14% des surfaces artificialisées, c'est-à-dire ni agricoles, ni naturelles, ni forestières ».

    Ainsi, pour lutter contre l’artificialisation des sols lors de projets d’aménagement commercial, plusieurs instruments législatifs existent :

    • La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, a introduit l’exigence d’aménagements du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme.

    S’agissant de l’objectif d’aménagement du territoire, les critères d’appréciation des effets des projets ont alors évolué pour insister sur la « localisation et l'intégration urbaine des équipements commerciaux, sur leur qualité environnementale et sur la nécessité d'une limitation des nuisances de toute nature sur l'environnement proche et d'une consommation économe de l'espace ».

    • L’article L. 752-6 du code de commerce (issu de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) incite à la reprise de friches existantes et à la revitalisation du tissu économique existant par l’obligation de démontrer qu’aucune friche ne pouvait accueillir le projet :

    « IV. Le demandeur d'une autorisation d'exploitation commerciale doit démontrer, dans l'analyse d'impact mentionnée au III, qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé. En l'absence d'une telle friche, il doit démontrer qu'aucune friche existante en périphérie ne permet l'accueil du projet envisagé. »

    Dès lors, la circulaire du 24 août 2020 exprime clairement la volonté du gouvernement « d’exercer une vigilance toute particulière sur le respect du principe de consommation économe de l'espace dans l'examen des projets d'équipements commerciaux soumis à autorisation d'exploitation commerciale (AEC). C'est le seul moyen propre à garantir, en l'état, la réalisation de l'objectif poursuivi. ».

       II.Les préfets ont les prérogatives pour veiller à lutte contre l’artificialisation des sols

    Le Premier ministre, après avoir rappelé cet objectif concrètement défini par la loi, demande donc aux préfets d’utiliser leurs prérogatives afin d’assumer leur rôle de représentant de l’exécutif.

    Il indique aux préfets qu’ils doivent, pour veiller à ces objectifs, embrasser leurs prérogatives :

    • Ils exercent un contrôle de légalité en tant que représentant de l’Etat dans le département ;
    • En tant que présidents des commissions départementales d’aménagement commercial (ci-après, les « CDAC »), ils disposent d’un pouvoir d’intervention pour « rappeler les enjeux, objectifs légaux et critères d’appréciation» (A).

    Surtout, et c’est là le but de la circulaire, les préfets ont la faculté d’exercer un recours administratif ou contentieux contre l’avis ou la décision de la CDAC (B).

          A.Le pouvoir d’intervention des préfets dans la procédure devant la CDAC

    Le Premier ministre exige que les services chargés de l’instruction de la demande d’aménagement commercial réunissent les éléments relatifs aux incidences du projet sur l’artificialisation des sols et aux mesures destinées à la limiter.

    Ainsi, les services des préfectures doivent réunir ces éléments et les consigner dans le rapport transmis aux membres de la CDAC cinq jours avant la séance consacrée à l’examen de l’affaire (C. com. art. R 752-13, I).

    De surcroît, pendant la séance de la CDAC, le préfet doit systématiquement insister « auprès des membres de la commission sur les enjeux de la lutte contre l'artificialisation des sols et rappeler les critères liés à une gestion économe de l'espace figurant dans la loi, ainsi que le préambule de la Charte de l'environnement. »

    Enfin, le Premier ministre rappelle au préfet sa nouvelle faculté de solliciter la chambre d’agriculture afin que celle-ci effectue une « étude spécifique de consommation des terres agricoles », fournissant « s'il y a lieu, un état des superficies affectées aux exploitations agricoles dans la zone [de chalandise de chaque projet], ainsi que des éléments sur leur évolution au cours des trois dernières années » (C. com. art. L 751-2, V). Pour l’application de ces dispositions, les préfets sont invités à appuyer leur avis sur cette analyse de consommation des terres agricoles.

          B.Le pouvoir de recours des préfets contre les avis de la CDAC

    A titre liminaire, le Premier ministre souligne le faible nombre de recours devant la Commission nationale d’aménagement commercial (ci-après, « la CNAC ») formés par les préfets, alors qu’une précédente instruction incitait déjà ces derniers à user de cette prérogative (Instruction ECFI17133905C du 3 mai 2017 sur la législation en matière d’aménagement commercial).

    Dès lors, il est demandé aux préfets « de saisir la Commission nationale d'aménagement commercial chaque fois que la création d'un nouvel équipement commercial ou une extension est autorisée en CDAC alors que le projet ne vous semble pas respecter, l'objectif de « zéro artificialisation », faute notamment d'une consommation économe de l'espace ou en raison de l'imperméabilisation des sols qu'il génère ».

    Par cette circulaire, le gouvernement affiche sa volonté de respecter les propositions de la convention citoyenne du climat et d’accentuer la lutte contre l’artificialisation des sols.

    Ainsi, le Premier ministre, pour montrer l’attention qu’il porte à ce sujet, exige que les préfets informent régulièrement les services de la Direction générale des entreprises et ceux de la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature, ce en leur transmettant un bilan statistique trimestriel sur les recours exercés devant la CNAC.

    Reste à constater si le nombre de recours des préfets contre les avis des CDAC augmente à moyen terme.