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    mardi, 24 mai 2022 13:06

    Le Tribunal de commerce est seul compétent pour connaitre d’une action en responsabilité à l’encontre d’un dirigeant de fait.

    Écrit par Me Valentine Wirig

    Mich AH2221 Responsabilite web

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Faut-il statuer préalablement sur le bien-fondé de l’action en responsabilité du dirigeant de fait pour déterminer dans un second temps la juridiction compétente ? C’est cette question qui a été tranchée par la négative par la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 30 mars 2022 dans un arrêt n°20-11776.

    Les faits étaient les suivants : Une holding détenue à parts égales entre d’une part une SARL et d’autre part les époux E détenait 100%  des titres d’une SARL et une SAS, dont Monsieur E était le dirigeant de droit. Il bénéficiait en outre avec son épouse d’un contrat de travail au sein de la holding.  

    Le 18 mars 2015, Monsieur E était révoqué de ses mandats sociaux, et lui et son épouse étaient licenciés par la holding. Cette dernière saisissait alors le tribunal de commerce d’une action en responsabilité à l’encontre des époux E qu’elle qualifiait de dirigeants de fait. Les époux E ont alors soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction prud’hommale. Celle-ci était rejetée aussi bien par le Tribunal de commerce que par la Cour d’appel. Ils saisissent alors la Cour de cassation.

    Leur raisonnement est le suivant : afin de déterminer si le litige relève de la compétence des tribunaux de commerce, la Cour d’appel doit préalablement examiner le bien-fondé de l’action en responsabilité. Ainsi, elle aurait dû dans un premier temps examiner si les époux E étaient véritablement des dirigeants de fait conformément aux critères dégagés par la jurisprudence. Une fois ce travail effectué, elle pouvait alors statuer sur la compétence du Tribunal de commerce.

    La Cour de cassation rejette logiquement cette argumentation. Elle rappelle que les tribunaux de commerce sont compétents pour connaitre des actions en responsabilité engagées par des sociétés commerciales contre leur dirigeants de fait. Or, déterminer si la personne remplit effectivement les critères requis relève du bien-fondé de l’action et non de la compétence de la juridiction saisie. 

    Affirmer le contraire reviendrait à distribuer une partie du contentieux relevant de l’action en responsabilité des dirigeants de fait au Tribunal de commerce et une autre partie à un autre tribunal. Mais surtout, cela obligerait la juridiction saisie à statuer dans un premier temps sur le fond du dossier avant de pouvoir statuer sur sa compétence, alors même que les règles de procédure civile forcent à adopter une raisonnement inverse.

    Ainsi, si l’article L.721-3 du Code de commerce qui fixe la compétence du Tribunal de commerce ne vise pas directement les actions dirigées contre les dirigeants de fait, la Cour de cassation en 2009 avait déjà affirmé sa compétence de principe pour connaitre de telles actions, pourvu que les faits qui leur sont reprochés soient en lien direct avec la gestion de la société.

    A noter que ce critère n’est pas repris par la Cour de cassation dans ce dernier arrêt. Il conviendra donc d’être prudent et d’attendre que la Cour de cassation précise sa jurisprudence quant au maintien de ce critère.