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    lundi, 11 avril 2022 07:46

    Un contrat conclu « par une société » avant son immatriculation est nul : de l’importance des mots.

    Écrit par Valentine Wirig

    dessin valentine

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    La Chambre commerciale de la Cour de cassation réaffirme une solution déjà connue des praticiens : un contrat conclu par une société avant son immatriculation est nul.

    Dans l’espèce objet de l’arrêt du 19 janvier 2022, n°20-13.719, une banque avait consenti un prêt à « l’EURL, en cours d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, représentée par Mme Y ». La gérante et son époux s’étaient portés cautions solidaires du remboursement du prêt.

    Puis, par un avenant au contrat de prêt postérieur à l’immatriculation de la société, cette dernière avait consenti à la banque un nantissement sur son fonds de commerce.

    La société connaissant des difficultés, la banque a décidé d’actionner le cautionnement de l’époux.

    La Cour d’appel a d’abord condamné l’époux au paiement en considérant que l’épouse avait valablement agi au nom et pour le compte de la société en formation, et que l’avenant signé par la société postérieurement à son immatriculation emportait reprise de l’engagement à son égard.

    La Cour de cassation, sans surprise, censure la décision et rappelle que :

    « En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le contrat de prêt du 20 décembre 2012 avait été conclu, non pas au nom et pour le compte d’une société en cours de formation mais par la société elle-même, avant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, ce dont il résultait qu’il était nul pour avoir été conclu par une société dépourvue de personnalité juridique, et que l’avenant à ce contrat, qui, selon ses propres termes, n’emportait pas novation, n’était pas de nature à couvrir cette nullité absolue, la Cour d’Appel a violé le texte susvisé.».

    Elle réaffirme ainsi une solution déjà connue et confirme que la nullité encourue est absolue.

    Ainsi, la simple mention de « société en cours d’immatriculation » n’est pas suffisante pour permettre à la société une reprise des engagements. Seule la mention « agissant au nom et pour le compte de la société en formation » permet à la société d’être engagée et assure la validité du contrat.

    Les mots sont donc d’une importance cruciale pour la validité du contrat conclu avec une société mais avant son immatriculation.

    En outre, la conclusion d’un avenant postérieur à l’immatriculation de la société est insuffisante pour couvrir la nullité, et n’emporte donc pas engagement de la société pour le contrat conclu avant son immatriculation.

    Cet arrêt envisage une hypothèse qui n’avait pas encore été présentée à la Cour de cassation. Pour mémoire, elle avait déjà jugé que la nullité ne pouvait être couverte par une confirmation de l’acte litigieux ou par une ratification, ou encore par une assemblée. Désormais, il est acquis que la nullité n’est pas non plus couverte par la signature d’un avenant postérieur à l’immatriculation de la société. 

    Cette solution n’est cependant guère surprenante puisque la Cour de cassation ces deux dernières années réaffirme régulièrement sa position stricte et fait le choix de la publication de ses arrêts au bulletin sur ce point (pour le dernier arrêt : Cour de cassation,10 février 2021, n°19-10.006).