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    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Le règlement UE n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires prévoit l’exigence fondamentale selon laquelle « toute denrée alimentaire destinée au consommateur final ou aux collectivités est accompagnée d’informations sur les denrées alimentaires conformément au présent règlement ».

    S’agissant des denrées alimentaires non préemballées plus particulièrement, que représentent les repas servis dans les cantines, restaurants d’entreprise ou autres, l’article 44 du règlement susvisé dispose en ses paragraphes 1er et 2 :

    « 1. Pour les denrées alimentaires proposées non préemballées à la vente au consommateur final et aux collectivités ou pour les denrées alimentaires emballées sur les lieux de vente à la demande du consommateur ou préemballées en vue de leur vente immédiate,

         a)l’indication des mentions visées à l’article 9, paragraphe 1, point c), est obligatoire ;

         b)l’indication d’autres mentions visées aux articles 9 et 10 n’est pas obligatoire, à moins qu’un État membre n’adopte des mesures nationales exigeant que toutes ces mentions ou certaines d’entre elles ou des éléments de ces mentions soient indiqués.     

    2. Les États membres peuvent arrêter des mesures nationales concernant les modalités selon lesquelles les mentions ou éléments de mentions indiqués au paragraphe 1 doivent être communiqués et, le cas échéant, la forme de leur expression et de leur présentation. »

    L’article 9 paragraphe 1 point c) indique « tout ingrédient ou auxiliaire technologique énuméré à l’annexe II ou dérivé d’une substance ou d’un produit énuméré à l’annexe II provoquant des allergies ou des intolérances, utilisé dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire et encore présent dans le produit fini, même sous une forme modifiée ».

    La liste des allergènes définis par l’article 9 précité détaille ainsi 14 allergènes.

    Il ressort donc de la combinaison des articles visés ci-dessus que, dans le cadre de toute restauration collective, doit toujours être portée à l’attention du consommateur l’indication de 14 allergènes, appelés « allergènes à déclaration obligatoire ».

    Plusieurs questions doivent alors être éclaircies : il est nécessaire, d’une part, de déterminer les modalités d’organisation de cette obligation en France (I) et, d’autre part, de déterminer quelle personne doit mettre en application cette obligation (II).

    I. Les modalités d’application de l’obligation d’indication des allergènes

    Les modalités d’application de cette nouvelle obligation européenne ont été complétées au niveau national par le décret n° 2015-447 du 17 avril 2015 relatif à l’information des consommateurs sur les allergènes et les denrées alimentaires non préemballées.

    Ce décret, s’agissant des denrées non préemballées, a été codifié dans le nouveau code de la consommation, aux articles R. 412-12 à R. 412-16.

    L’article R. 412-12 du code de la consommation dispose :

    « L’utilisation dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire de tout ingrédient ou auxiliaire technologique ou dérivé d’une substance ou d’un produit énuméré à l’annexe II du règlement (UE) n° 1169/2011 modifié du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires provoquant des allergies ou des intolérances, et encore présent dans le produit fini même sous une forme modifiée, est portée à la connaissance du consommateur final et des établissements de restauration selon les modalités fixées par la présente sous-section. »

    Dès lors, conformément au droit européen, le consommateur final doit toujours être informé des 14 allergènes à déclaration obligatoire.

    Cette information est transmise sous différentes possibles modalités.

    En premier lieu, il résulte de l’article R. 412-13 du code de la consommation que, lorsque la denrée est présentée dans une collectivité, au sens de collectif (cantine, école, service de restauration d’entreprise…), l’information est indiquée sur la denrée elle-même ou à proximité de celle-ci.

    Ensuite, l’article R. 412-14 précise que :

    «Dans les lieux où sont proposés des repas à consommer sur place, sont portés à la connaissance du consommateur, sous forme écrite, de façon lisible et visible des lieux où est admis le public :1° Soit l’information mentionnée à l’article R. 412-12 elle-même ;2° Soit les modalités selon lesquelles cette information est tenue à sa disposition. Dans ce cas, le consommateur est mis en mesure d’accéder directement et librement à l’information, disponible sous forme écrite. »

    Enfin, l’article R. 412-15 dispose :

    « L’information mentionnée à l’article R. 412-12 n’est pas requise lors de la fourniture du repas lorsque, dans le cadre de la restauration collective, un dispositif permet à un consommateur d’indiquer, avant toute consommation, qu’il refuse de consommer un ou des ingrédients ou auxiliaires technologiques ou dérivés d’une substance ou d’un produit énuméré à l’annexe II du règlement (UE) n° 1169/2011 modifié du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires qui peuvent être utilisés dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire et être présents dans le produit fini, même sous forme modifiée.

    Pendant un délai de trois ans après la fourniture du dernier repas, le fournisseur des repas conserve le document attestant du refus manifesté par le consommateur.

    On entend par " restauration collective " au sens du présent article : l’activité de restauration hors foyer caractérisée par la fourniture de repas à une collectivité de consommateurs réguliers, liée par accord ou par contrat. »

    Il résulte de la combinaison de ces articles que :

         a) Lorsque la denrée est proposée à une école ou un service de restauration collective, l’indication des allergènes doit être établie sur la denrée ou à proximité de celle-ci : l’indication de l’allergène doit donc être précisée dès la fourniture du repas au service de restauration;

         b) Dans un service de restauration collective, on informe le consommateur final (sans distinction de l’âge du consommateur) de la liste des allergènes présents dans les denrées par l’affichage lisible et par écrit :

    -a)Soit de cette liste elle-même ;

    -b)Soit de la modalité par laquelle le consommateur peut accéder à cette liste ;c.Dans un service de restauration collective, le consommateur peut être informé.

         c) Dans un service de restauration collective, le consommateur peut être informé :

    -a)Soit tel que décrit au b) ci-dessus ;

    -b)Soit par un dispositif lui permettant d’indiquer, avant toute consommation, qu’il refuse de consommer un ou des allergènes. Dans ce dernier cas, il n’est pas nécessaire que la liste des allergènes présents dans chaque denrée soit affichée.

    Ici, il s’agit donc d’un choix : soit chaque consommateur a été consulté avant les repas et a indiqué quel allergène il refuse d’absorber, soit la liste des allergènes est affichée par écrit.

     

    II. La responsabilité de l’indication des allergènes

    Il a été établi ci-dessus que le consommateur doit, selon différentes modalités, être informé des allergènes.

    S’agissant de la responsabilité de l’information, il résulte de l’article premier du règlement n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 que cette obligation s’applique « à tous les exploitants du secteur alimentaire à tous les stades de la chaîne alimentaire » et s’applique « à toutes les denrées alimentaires destinées au consommateur final, y compris celles servies par les collectivités [collectivités entendues comme établissement dans lequel des denrées alimentaires prêtes à consommées par le consommateur final sont préparées] ».

    L’article 6§8 du même règlement précise :

    « 6. Les exploitants du secteur alimentaire, dans les entreprises placées sous leur contrôle, veillent à ce que les informations relatives aux denrées alimentaires non préemballées destinées au consommateur final ou destinées à être livrées aux collectivités soient transmises à l’exploitant du secteur alimentaire recevant ces denrées pour que, si nécessaire, les informations obligatoires sur les denrées alimentaires soient fournies au consommateur final. »

    La réglementation européenne entend par « exploitant du secteur alimentaire » : « la ou les personnes physiques ou morales chargées de garantir le respect des prescriptions de la législation alimentaire dans l’entreprise du secteur alimentaire qu’elles contrôlent » (article 3 3) du Règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire.

    L’article R. 412-16 du code de la consommation indique, par ailleurs, que « chaque livraison de denrées alimentaires à des établissements de restauration est accompagnée d’un document portant l’information mentionnée à l’article R. 412-12. »

    Dès lors, si la livraison des repas est déléguée à un opérateur externe, ce dernier est dans l’obligation de fournir, à chaque livraison, un document portant l’information des 14 allergènes présents dans les repas. La personne morale qui sert les repas, qui disposera alors de l’information, pourra la fournir, sous forme d’affichage ou par recueil de chaque volonté, au consommateur final.

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    Crédit dessin: Michel Szlazak

    En vertu des dispositions de l’article 1792-6 du code civil, « la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ».

    La notion de réception tacite d’un ouvrage est présumée lorsqu’est constatée une prise de possession par le maître d’ouvrage cumulativement avec le paiement des travaux (Cour de cassation, 3ème chambre 18 avril 2019 n°18-13734, publié).

    Pour mémoire, la réception d’un ouvrage, qu’elle soit expresse ou tacite, est le point de départ de la garantie décennale supportée par tout constructeur (article 1792 du code civil).

    Dans une affaire récemment jugée par la 3ème chambre de la Cour de cassation (01. 04.2021, n° 19-25.563) la fixation de la date de réception tacite de l’ouvrage posait difficulté.

    Si les parties se prévalaient chacune d’une réception tacite de l’ouvrage, le maître d’ouvrage invoquait la date du 13 juillet 2006, soit la date d’émission du chèque, et l’assureur du constructeur, celle du 23 octobre 2006, date d’encaissement dudit chèque.

    Les désordres objet du litige étant intervenus postérieurement à la date du 13 juillet 2006, la compagnie d’assurance décennale avait tout intérêt à soutenir que la date de règlement à retenir était celle du 23 octobre 2006, de sorte à fixer la réception tacite à cette date et ainsi exclure la mise en jeu de sa garantie décennale.

    La Cour de cassation a estimé que la Cour d’appel avait retenu à bon droit que la date de paiement était celle de l'émission du chèque qui correspond à la date à laquelle le tireur s'en est irrévocablement séparé, notamment en le remettant au bénéficiaire ou en l'envoyant par la poste, de sorte qu'il incombait au maître d’ouvrage de prouver qu'il avait émis le chèque le 13 juillet 2006.

    Toutefois elle a considéré que le maître d’ouvrage n’était pas en mesure de rapporter cette preuve dès lors qu’il ne produisait que la seule mention manuscrite de la date de règlement au 13 juillet 2006 sur un « tableau récapitulatif des règlements » et aucun courrier ou avis de réception accompagnant la remise de ce chèque de nature à dater cette remise.

    C’est dans ces conditions que la Cour d’appel a rejeté le pourvoi, déduisant de ces motifs que la date de règlement était celle de l'encaissement du chèque, soit le 23 octobre 2006, qui devait être considérée comme étant la date à laquelle avait eu lieu la réception tacite de l'ouvrage.

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    En matière de renouvellement du bail commercial, la Cour de cassation avait déjà posé le principe selon lequel « à défaut de convention contraire, le renouvellement du bail commercial s'opère aux clauses et conditions du bail venu à expiration, sauf le pouvoir reconnu au juge en matière de fixation de prix ».

    Ce principe érigé par la jurisprudence a depuis été intégré par le législateur à l’article 1214 al.2 du Code civil.

    En l’espèce, la question posée à la Cour de cassation était la suivante : lorsque les parties à un bail commercial expriment leur accord pour un renouvellement du bail « aux clauses et conditions du bail précédent », cet accord porte-t-il également sur le prix du bail ?

    Les hauts-magistrats de la Cour de cassation ont répondu à l’affirmative à cette question dans un arrêt rendu par l’Assemblée Plénière le 15 avril 2021 et publié au Bulletin (Cour de cassation, Troisième Chambre civile, 15 avril 2021, pourvoi n° 19-24.231).

    Un bail commercial est signé entre les parties le 31 mai 2007 moyennant un loyer annuel de 300.000 euros.

    Par acte d’huissier du 23 novembre 2016, le preneur adresse au bailleur une demande de renouvellement du bail « aux clauses et conditions du bail venu à expiration » à laquelle était annexée une copie du bail expiré.

    Quelques jours plus tard, le bailleur lui fait délivrer par acte d’huissier son accord exprès pour un renouvellement du bail « aux mêmes clauses et conditions antérieures ».

    Seulement, le 29 novembre 2016, le preneur va solliciter de son bailleur la fixation du prix du bail renouvelé à la somme de 123 000 euros, demande que le bailleur va refuser.

    C’est dans ces conditions que le 21 mars 2017, le preneur va notifier à son bailleur un mémoire préalable en fixation du prix du bail renouvelé à hauteur de 160.000 euros, puis saisir le juge des loyers commerciaux.

    Sa demande va être rejetée à la fois par le juge des loyers commerciaux et par les juges de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui vont retenir que les parties ayant exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat « aux mêmes clauses et conditions antérieures » sans mention d’aucune réserve, elles avaient conclu un accord exprès sur les conditions et clauses du bail précédent, y compris sur le prix du bail.

    La Cour d’appel ayant retenu qu'il appartenait aux parties d'exprimer leur volonté de contracter pour un prix différent, faute de quoi, le bail était renouvelé au prix plafonné.

    Le preneur invitait la Cour de cassation à reconnaître que la Cour d’appel avait méconnu la loi des parties, ou à tout le moins dénaturé les termes des documents exprimant leur accord, l’expression « clauses et conditions » du précédent bail ne faisant aucune référence au prix.

    Selon lui, la mention « aux clauses et conditions du bail venu à expiration » insérée dans une demande de renouvellement du bail, si elle peut traduire la volonté de renouveler le bail, ne peut suffire à caractériser un engagement précis, complet et ferme du locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler.

    Il estimait que le fait d’avoir annexé à sa demande de renouvellement le précédant bail qui liait les parties ne permettait pas de caractériser un engagement précis, complet et ferme du locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler et sollicitait la réformation du jugement sur ces différents points.

    Mais ce n’est pas ce que va juger la Cour de cassation qui va rejeter son pourvoi selon les motifs suivants :

    « La cour d'appel a constaté que le preneur avait formulé une demande de renouvellement du bail aux clauses et conditions du précédent bail et que le bailleur avait exprimé son accord pour un renouvellement aux mêmes clauses et conditions antérieures.

    6. Elle a souverainement retenu, sans dénaturation, que, les parties ayant toutes deux exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat « aux mêmes clauses et conditions antérieures » sans mention d'aucune réserve, elles avaient conclu un accord exprès sur les conditions et clauses du bail précédent.

    7. Elle a exactement déduit, de ce seul motif, que la demande en fixation du loyer du bail renouvelé devait être rejetée ».

    Il doit être retenu de cet arrêt que lorsque les parties ont exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat aux mêmes clauses et conditions du précédent bail, sans mention d’aucune réserve, la formule « aux mêmes clauses et conditions » emporte accord exprès et précis sur le prix du loyer du bail, de sorte que la demande ultérieure en fixation du loyer du bail renouvelé doit être rejetée.

    Cette décision aurait pu être différente si le locataire avait proposé un autre loyer au moment de sa demande de renouvellement ou si des réserves avaient été expressément émises.

    En effet, rien n’interdit aux parties de s’entendre sur le renouvellement du bail même s’il existe entre elles un désaccord sur le prix du bail, lequel pourra être fixé ultérieurement à l’amiable, ou en cas de désaccord, en saisissant le juge des loyers.

    Dans ce cas, il est d’usage en pratique de faire signifier au bailleur une demande de renouvellement « aux mêmes clauses et conditions » sans autres précisions. Plus rarement, le locataire prendra le soin de préciser le montant du nouveau loyer même si ce n’est pas obligation.

    Dans cet arrêt la Cour de cassation sonne le glas de l’utilisation de ces formules de style et invite les parties à davantage de vigilance lors du renouvellement du bail.

    Pourtant, cette décision n’allait pas de soi au regard d’une précédente décision de la Cour de cassation dans laquelle les hauts magistrats avaient jugé que « la mention « aux mêmes clauses et conditions du bail antérieur » portée dans une demande de renouvellement, « formule d’usage, qui ne faisait aucune référence expresse au loyer élément essentiel du contrat de bail, ne pouvait suffire à caractériser un engagement précis, complet et ferme de la locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler » (Cass. 3è civ., 24 juin 2009, n° 08-13.970).

    Néanmoins, il ne faut voir pas pour autant dans cette nouvelle décision de la Cour de cassation un revirement de jurisprudence. En effet, la particularité des faits de l’espèce, dans laquelle un locataire et un bailleur s’échangent une demande de renouvellement et une réponse en se référant sans autre précision ni réserve aux « clauses et conditions du précédent bail », explique la présente décision.

    Toutefois, et afin d’éviter difficulté sur ce point, il est conseillé aux parties à l’avenir de veiller à régler la question du montant du loyer au moment même de la délivrance de la demande de renouvellement ou du congé avec offre de renouvellement. En cas de désaccord, elles veilleront à réserver la question du montant du loyer du bail renouvelé car à défaut le bail sera renouvelé au même prix que le précédent.

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    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Article rédigé par Maître Joseph Andreani et Mansour Kada-Yahya, fonctionnaire territorial, chargé d'enseignement à l'université d'Aix-Marseille III.

    L’action judiciaire en démolition prévue à l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme est réservée à « La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ». Par un arrêt du 21 janvier 2021, la cour de cassation a jugé que la commune restait compétente pour engager une telle action, même si elle ne dispose pas elle-même de la compétence en matière de plan local d’urbanisme.

    L’article L. 480-14 du code de l’urbanisme prévoit, littéralement, que l’action en démolition peut être introduite alternativement par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme :

    « La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié sans l'autorisation exigée par le présent livre ou en méconnaissance de cette autorisation dans un secteur soumis à des risques naturels prévisibles. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux ».

    Cette disposition s’est avérée équivoque. Selon un jugement du tribunal administratif de Besançon et un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, seule la compétence en matière de PLU détermine la qualité pour agir en démolition sur le fondement de cet article :

     « 3. En vertu du point A-2 de l’article 1 er de l’arrêté du préfet de la Haute-Saône du 11 janvier 2016, la communauté de communes de la Haute-Comté, à laquelle appartient la commune de Saint-Loup-sur-Semouse, est seule compétente pour l’élaboration, les révisions et les modifications d’un plan local d’urbanisme intercommunal, ainsi que des documents d’urbanisme préexistants.

    4. Le maire de la commune de Saint-Loup-sur-Semouse n’était donc pas compétent pour saisir le tribunal de grande instance sur le fondement de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme et était dès lors tenu de rejeter la demande de Mme X. Les moyens soulevés par la requérante sont par conséquent inopérants» (TA de Besançon, 15 janvier 2019, n° 1701510) ;

    « L'article L. 480-14 du code de l'urbanisme dispose : 'La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L. 421-8. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux.'

    Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune de Lussac, seule la compétence en matière de plan local d'urbanisme détermine qui de la commune ou de l'EPCI a qualité pour agir en démolition.

    La commune de Lussac verse au dossier les statuts de la communauté de communes dans lesquels, l'article II A. Alinéa 3 de ces statuts, attribue expressément à la communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais la compétence d'élaboration, de gestion et de suivi des documents d'urbanisme dont le plan local d'urbanisme intercommunautaire.

    Il est constant que ce transfert s'est opéré à partir du 1er janvier 2013 et que, dès lors, la communauté de commune du Grand Saint-Emilionnais avait seule qualité pour agir en démolition de la construction de Mme C., et ce quand bien même la commune détenait la compétence du plan local d'urbanisme au moment de la délivrance du permis de construire.

    Ainsi, la commune de Lussac n'avait pas qualité pour agir lorsqu'elle a assigné Mme C. le 25 août 2013, cette date étant postérieure à celle du transfert de la compétence du PLU à l'EPCI » (CA de Bordeaux, 2e chambre civile, 24 octobre 2019, n° 17/00442.

    Le Conseil Constitutionnel a également considéré, de manière incidente, que « cette action en démolition ne peut être introduite que par les autorités compétentes en matière de plan local d'urbanisme » (décision n° 2020-853 QPC du 31 juillet 2020).

    Cette lecture ne va pas de soi. Outre la lettre du texte, il ressort clairement des travaux législatifs ayant précédé la loi qui a institué cette action en démolition (loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages), que cette action a été avant tout conçue pour les maires, qui sont toujours en première ligne et mis en cause lorsque des travaux illégaux qui auraient dû être démolis ne l’ont pas été. Ainsi cette action de dix ans palie l’expiration plus rapide du délai de prescription pénale.

    Les débats parlementaires (3ème séance du 6 mars 2003) laissent penser que le législateur a souhaité que les maires disposent toujours de cette action :

     « Placés en première ligne, souvent mis en cause lors des catastrophes, les maires doivent disposer de moyens leur permettant de prévenir les risques naturels. Or ils sont aujourd'hui confrontés à la prescription de trois ans, qui s'applique à toutes les constructions, qui deviennent inattaquables par la puissance publique au-delà de ce délai. Une solution consisterait à permettre aux communes d'engager une action civile, alors qu'actuellement seule une action pénale est possible dans un délai de trois ans ».

     « Les maires sont aujourd'hui confrontés à un obstacle important dans leur action de prévention des risques naturels du fait de la prescription de trois ans qui s'applique à toutes les constructions, rendant celles-ci inattaquables par la puissance publique au-delà de ce délai. Les maires, qui sont systématiquement mis en cause lors de catastrophes, sont souvent placés dans l'impossibilité d'anticiper les risques, même tout à fait prévisibles et évidents. La solution proposée consiste à permettre aux communes d'engager une action civile, alors que, pour l'instant, elles ont seulement accès à l'action pénale. La puissance publique aura ainsi la possibilité d'engager une action près du juge civil dans un délai de dix ans pour demander la démolition des bâtiments irrégulièrement édifiés sans que cela crée de dérogation à la prescription générale de trois ans prévue par l'article 8 du code de procédure pénale ».

    L’esprit de la loi suppose donc que la commune dispose en tout état de cause de cette action.

    Cette interprétation a été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 21 janvier 2021, rendu au visa de l’article L.480-14 susvisé :

    « Il résulte de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme que la commune a qualité pour agir, concurremment avec l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme, pour exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits commis sur son territoire.

    8. Il ressort de l’article L. 422-3 du code de l’urbanisme que la commune conserve, sauf délégation, sa compétence pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable.

    9. Il s’ensuit que le transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme au profit d’un établissement public de coopération intercommunale ne prive pas la commune de toute compétence pour délivrer les autorisations et faire sanctionner la violation des règles d’urbanisme.

    10. De surcroît, la réalisation de l’objectif d’intérêt général qui s’attache au respect de ces règles et justifie l’action en démolition ou en mise en conformité implique la faculté pour la commune d’exercer cette action en cas d’abstention de l’établissement public compétent en matière de plan local d’urbanisme, alors même qu’une violation de la règle d’urbanisme a été constatée.

    11. Pour déclarer irrecevables les demandes de la commune, l’arrêt retient que seule la compétence en matière de plan local d’urbanisme détermine qui, de la commune ou de l’établissement, a qualité pour agir en démolition, que la commune verse au dossier les statuts de la communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais qui attribuent expressément à cette communauté la compétence d’élaboration, de gestion et de suivi des documents d’urbanisme, dont le plan local d’urbanisme intercommunautaire, et qu’il est constant que ce transfert s’est opéré à partir du 1er janvier 2013, de sorte que, à la date de l’assignation, la communauté de communes avait seule qualité pour agir en démolition de la construction de Mme G..., quand bien même la commune détenait la compétence du plan local d’urbanisme au moment de la délivrance du permis de construire.

    12. En statuant ainsi, alors que la commune a, concurremment avec l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, qualité pour agir en démolition ou en mise en conformité, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 21 janvier 2021, n°20-10.602).

    Ainsi, l’article L.480-14 du code de l’urbanisme n’a pas pour objet de priver la commune d’agir en démolition lorsqu’elle ne dispose pas ou plus de la compétence en matière de plan local d’urbanisme.

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    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Dans un arrêté en date du 28 avril 2021, publié le 29 avril au journal officiel, le ministre de la justice a enfin détaillé le calendrier de mise à disposition du public des dispositions rendues par les juridictions administratives.

    Les articles 20 et 21 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique ont imposé la mise à disposition du public des décisions des juridictions administratives et judiciaires.

    Par un décret n° 2020-797 du 29 juin 2020, le gouvernement a placé sous la responsabilité respectivement du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation la mise à disposition sous forme électronique des décisions de chacun des deux ordres. Celle-ci sera réalisée sur un portail internet dépendant du garde des sceaux.

    Par ailleurs, l’article 9 du décret du 29 juin 2020 précisait :

    « Un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, détermine, pour chacun des ordres judiciaire et administratif et le cas échéant par niveau d'instance et par type de contentieux, la date à compter de laquelle les décisions de justice sont mises à la disposition du public en application des articles 1er et 4 et les copies de ces décisions sont délivrées conformément aux articles 2 et 5.

    Jusqu'à cette date, la diffusion des décisions est poursuivie dans les conditions prévues par l'article 1er du décret n° 2002-1064 du 7 août 2002 ainsi que par les dispositions applicables aux sites internet du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation.

    Les dispositions de l'article 6 entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication du présent décret au Journal officiel. »

    Aucun arrêté ayant été pris pour l’application de cette disposition règlementaire, le Conseil d’Etat, avait considéré, le 21 janvier 2021 :

    « 6. L'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect d'engagements internationaux de la France y ferait obstacle. Lorsqu'un décret pris pour l'application d'une loi renvoie lui-même à un arrêté la détermination de certaines mesures nécessaires à cette application, cet arrêté doit également intervenir dans un délai raisonnable.

    7. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus du pouvoir réglementaire de prendre les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour le pouvoir réglementaire, de prendre ces mesures. Il s'ensuit que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'une autorité administrative d'édicter les mesures nécessaires à l'application d'une disposition législative, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité d'un tel refus au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

    8. Ainsi qu'il a été rappelé au point 2 ci-dessus, si le décret d'application des articles L. 10 du code de justice administrative et L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire a été pris le 29 juin 2020, l'entrée en vigueur de ces articles demeure subordonnée à l'intervention d'un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. Aux termes de l'article 9 du décret : " Jusqu'à cette date, la diffusion des décisions est poursuivie dans les conditions prévues par l'article 1er du décret n° 2002-1064 du 7 août 2002 ainsi que par les dispositions applicables aux sites internet du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation ". Il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'il appartient au garde des sceaux, ministre de la justice de prendre, dans un délai raisonnable, l'arrêté mentionné à l'article 9 du décret du 29 juin 2020.

    9. Il n'est pas contesté que la mise à disposition du public des décisions de justice constitue une opération d'une grande complexité pouvant nécessiter, à compter de l'intervention du décret en organisant la mise en œuvre, des dispositions transitoires. Toutefois, le garde des sceaux, ministre de la justice, ne pouvait, sans méconnaître ses obligations rappelées au point 6, s'abstenir de prendre l'arrêté prévu à l'article 9 du décret du 29 juin 2020 et de fixer le calendrier d'entrée en vigueur des dispositions de ce décret dans un délai raisonnable, plus de 20 mois après la loi du 23 mars 2019 et plus de six mois après la publication du décret du 29 juin 2020 à la date de la présente décision, pour l'application des dispositions législatives relatives à la mise à disposition du public des décisions de justice, laquelle, au demeurant, a été prévue par le législateur dès 2016. Il s'ensuit que l'association " Ouvre-boîte " est fondée à soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice, ne pouvait légalement refuser de prendre cet arrêté. »

    Ainsi, par cet arrêt, le Conseil d’Etat avait ordonné au garde des sceaux de prendre l'arrêté prévu dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.

    C’est ce à quoi procédé l’arrêté en date du 28 avril dernier : les décisions de justice et les copies sollicitées par des tiers sont respectivement mises à disposition du public et délivrées aux tiers, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 10 et L. 10-1, R. 741-13, R. 741-14 et R. 751-7 du code de justice administrative, au plus tard le :

    • 30 septembre 2021 s'agissant des décisions du Conseil d'Etat ;
    • 31 mars 2022 s'agissant des décisions des cours administratives d'appel ;
    • 30 juin 2022 s'agissant des décisions des tribunaux administratifs.

    A partir de ces dates, les décisions des juridictions administratives devront être mises en ligne dans un délai de deux mois.

    Certaines informations devront être occultées (noms, prénoms des parties et des tiers), d’autres éléments d’identification pourront être occultées sur décision du président de la formation s'il estime que la vie privée ou la sécurité des personnes mentionnées ou de leur entourage l'exige.

    Enfin, pourra également être supprimé « tout élément de la décision dont la divulgation est susceptible de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ».

    Michilus AH2118 snack web

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Le locataire-gérant doit avoir une clientèle propre et une autonomie de fonctionnement. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt récent (Cass. Com. 10 février 2021, n° 19-12.690).

    En l’espèce, un camping avait donné en location son snack-bar, à destination de ses seuls clients propres, à un exploitant à qui elle imposait horaires et cahier des charges. L’un des fournisseurs de l’exploitant insolvable a essayé de se faire régler des sommes impayées directement par le camping, au motif que le propriétaire du fonds est solidairement responsable des dettes de son locataire-gérant contractées à l’occasion de l’exploitation du fonds (L. 144-7 du C. Com.).

    La Cour d’appel, pour faire droit à cette demande, avait retenu la préexistence d’une licence IV et d’une clientèle déjà constituée par le camping avant la mise en location du snack.

    La Cour de cassation a rappelé que ces critères étaient insuffisants à démontrer l’existence d’un contrat de location-gérance. En effet, le snack n’étant accessible qu’aux seuls clients du camping et l’exploitant étant tenu d’assurer au profit des ceux-ci une activité de restauration selon les horaires et les types de prestations définis au cahier des charges du camping, ainsi que se plier aux impératifs d’animation du camping, il ne bénéficiait d’aucune autonomie de fonctionnement et donc d’aucune clientèle propre.

    Or, la qualification d’un contrat de location-gérance repose sur la réunion de trois conditions (article L. 144-1 du Code de commerce) :

    • La mise en location d’un fonds de commerce ou artisanal, dont l’élément essentiel est la clientèle propre ;
    • Une exploitation de l’activité aux risques et périls de l’exploitant, et non pas comme mandataire ou salarié, ce qui suppose une autonomie de fonctionnement inexistante au cas d’espèce ;
    • Le règlement d’un loyer, encore qualifié de redevance, point qui ne faisait pas difficulté dans l’arrêt commenté.

    Michilus AH2117 promesse web

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Est constitutive d’un abus de droit l’action en justice du promoteur immobilier visant à obtenir l’exécution forcée de la signature d’une promesse de vente à son profit et de faire publier l’assignation au service de la publicité foncière afin de faire obstacle à la vente des biens à un tiers.

    Cass.3e civ. 28 janvier 2021, pourvoi n°19-24.962

    Placées sous le signe de la liberté, les négociations précontractuelles entre les parties ne sont soumises à aucune exigence particulière quant à leur initiative, leur déroulement ou leur rupture (article 1112 du Code civil). Chaque partie demeure libre de poursuivre ou non les négociations sans être tenue de s’engager par la signature d’un contrat.  

    Toutefois, les parties doivent mener les négociations en respectant les exigences de la bonne foi sous peine d’engager leur responsabilité extra contractuelle et être tenues au paiement de dommages-intérêts.

    Dans cette affaire une société de promotion immobilière s’était engagée dans des pourparlers avec des vendeurs en vue de la signature d’une promesse de vente portant sur diverses parcelles de terrain non bâties.

    Au cours des négociations, les vendeurs ont finalement décidé de ne pas poursuivre l’opération. Le promoteur décide de les assigner en exécution forcée de signature de la promesse de vente et de faire publier l’assignation au registre de la publicité foncière, interdisant de fait toute vente des terrains litigieux à un autre acquéreur.

    C’est en raison de la publication de cette assignation que les vendeurs vont reconventionnellement solliciter la condamnation du promoteur à leur verser des dommages-intérêts au titre du caractère abusif de la procédure.

    La Cour d’appel de Chambéry fait droit à leur demande et condamne le promoteur à leur verser des dommages-intérêts à hauteur de 98.000 € en réparation du coût de l’entretien très lourd de leur propriété qu’ils ont continué d’assumer depuis l’introduction de l’instance et sans espoir de pouvoir vendre leurs biens à court terme alors qu'ils avaient pour projet de vendre rapidement leurs propriétés.

    Le promoteur se pourvoit en cassation contre cette décision mais la Cour de cassation va confirmer l’arrêt de la Cour d’appel.

    Les hauts magistrats, reprenant les moyens développés par la Cour d’appel, retiennent que le promoteur ne sollicitait pas en l’espèce la réitération forcée de la vente, mais la signature d'une promesse de vente sous conditions suspensives, lesquelles étaient encore indéterminées dans leur libellé exact.

    Ils ajoutent que c’est délibérément que le promoteur a procédé à la publication de l'assignation au service de la publicité foncière, et ce alors même qu’elle n’était pas requise à peine d’irrecevabilité de sa demande.

    Les juges déduisent de l’ensemble de ces circonstances que cette assignation, qui a pour effet d’empêcher toute vente au profit d’un tiers, n’avait été réalisée que dans le seul but d’empêcher les vendeurs de vendre leurs biens à un tiers, et ce alors même que le promoteur avait parfaitement connaissance de leur projet alternatif visant à vendre non plus seulement les terrains à construire, mais également la maison de maître, pour un prix très nettement supérieur.

    La Cour d’appel relève que l’intention du promoteur de faire obstruction à tout autre projet que le sien est au demeurant confirmée par une lettre comminatoire adressée à un cabinet d’architectes afin de le faire renoncer à poursuivre la consultation d’autres promoteurs pour le compte des vendeurs en vue d'un aménagement de l'ensemble de leur propriété.

    C’est eu regard de l’ensemble de ces éléments que la Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’en avoir déduit que le promoteur avait commis un abus de droit de nature à engager sa responsabilité.

    Michilus AH2116 Recours web 

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    La cour administrative d’appel de Marseille considère que l’article L. 412-4 du code des relations entre le public et l’administration s’applique en cas de recours gracieux dirigé contre un permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale.

    Dans cette affaire, une société avait demandé un permis de construire pour la réhabilitation et l’extension d’un centre commercial, valant donc autorisation d’exploitation commerciale.

    La commission départementale d’aménagement commercial (ci-après, la CDAC) a rendu un avis favorable sur le projet, contre lequel un recours a été exercé devant la Commission nationale d’aménagement commercial (ci-après, la CNAC). Cette dernière a émis un avis favorable au projet.

    Dès lors, le maire a délivré le permis de construire demandé. Un recours gracieux a ensuite été formé contre l’arrêté municipal accordant le permis, puis un recours contentieux.

    Par un arrêt en date du 22 mars 2021, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté ce dernier recours comme tardif, le recours gracieux n’ayant pas eu pour effet de conserver le délai de recours contentieux.

    En droit, l’article L. 412-4 du code des relations entre le public et l’administration dispose :

    « La présentation d'un recours gracieux ou hiérarchique ne conserve pas le délai imparti pour exercer le recours administratif préalable obligatoire non plus que le délai de recours contentieux ».

    En l’espèce, la cour a fait application des dispositions de cet article et les a combinées avec celles de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme qui dispose, en ce qui concerne le point de départ du délai de recours contentieux, que : « Le délai de recours contentieux à l'encontre (…) d'un permis de construire (…) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ».

    La cour administrative d’appel de Marseille a ainsi jugé :

    « 5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux de constat réalisés par un huissier les 10 mai, 11 juin et 11 juillet 2019 que les mentions relatives au permis de construire délivré à la société Odysseum Place de France ont été affichées sur le terrain d’assiette du projet dans les conditions prévues à l’article R. 424-15 du code de l’urbanisme à compter du 10 mai 2019.

    Il résulte des dispositions citées au point 3 que le recours gracieux formé le 28 juin 2019 par l’association En toute franchise département de l’Hérault n’a pas eu pour effet d’interrompre ce délai. En conséquence, le délai de recours contentieux de deux mois, prévu à l’article R. 421-1 du code de justice administrative a expiré le 12 juillet 2019. Les conclusions dirigées contre l’autorisation d’exploitation commerciale que l’association requérante a présentées par une requête enregistrée le 1er octobre 2019 sont donc tardives. » (CAA Marseille, 22 mars 2021, n° 19MA04442).

    Il s’ensuit que, selon cet arrêt, en cas de recours contre l’avis de la CDAC devant la CNAC, un recours gracieux contre l’arrêté municipal accordant l’autorisation ne conserve pas le délai de recours contentieux.

     

    Michilus AH2114 expuls web

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Tout comme l’année dernière, le gouvernement a prolongé la période de trêve hivernale.

    Selon une ordonnance n° 2021-141 du 10 février 2021 relative au prolongement de la trêve hivernale, la période de trêve hivernale prévue par les dispositions de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution prenant fin le 31 mars de chaque année a été prolongée jusqu’au 31 mai 2021.

    En effet, une mesure identique avait été mise en œuvre l’an dernier en raison de la crise sanitaire par le biais de l’ordonnance n°2020-331 du 25 mars 2020. A noter que le législateur avait finalement entendu la maintenir jusqu'au 10 juillet 2020 (L. n° 2020-546, 11 mai 2020, art. 10).

    Enfin, rappelons que seule l’exécution de l’expulsion est différée pendant cette période.

    Ainsi, elle ne fait pas obstacle à ce qu’une procédure en recouvrement des dettes locatives et en résiliation du bail soit engagée ni à ce que des décisions prononçant l'expulsion soient rendues par les juridictions déjà saisies.

    Michilus AH2113 AG 3 web

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Comment réunir ses associés et dirigeants dans le respect des règles de droit lorsque les déplacements sont limités par les mesures sanitaires en cours ?

    Depuis le 25 mars 2020, nous vous avons régulièrement écrit au sujet du dispositif d’exception mis en place depuis le début de la crise du COVID-19, dispositif qui permet la tenue des assemblées à « huis clos », en conférence téléphonique ou en visioconférence, et qui facilite la consultation des associés ou des organes de direction ou de surveillance par écrit par préférence à la traditionnelle réunion physique en assemblée ou comité.

    Le décret du 9 mars 2021 n° 2021-255 a prorogé l’ensemble du dispositif mis en place depuis le premier confinement, modifié depuis en décembre 2020 et qui devait prendre fin le 1er avril 2021. Ces mesures sont désormais en vigueur pour la durée maximale autorisée par l’ordonnance du 25 mars 2020 n° 2020-321 et son décret d’application n° 2020-418 modifié, à savoir, jusqu’au 31 juillet 2021.

    Michilus AH2111 egalite web 002

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Dégagé classiquement en matière fonctionnement des services publics, où il est retenu comme principe général du droit (CE, Sect., 9 mars 1951, Société des Concerts du Conservatoire, n° 92004), le principe d’égalité trouve également à s’appliquer en matière de planification urbaine.

    La cour administrative d’appel de Nantes en a fait application par un arrêt n° 19NT03666 du 6 octobre 2020 :

    « 5. Les articles UA 1, UC 1 et UD 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Trébeurden prévoient chacun que « le changement de destination des bâtiments d'hébergement hôtelier identifiés sur le document graphique du règlement est interdit ».

    6. Par ces dispositions, les auteurs du plan local d'urbanisme ont prévu une réglementation spécifique applicable aux seuls bâtiments d'hébergement hôtelier existants dans les zones urbaines du territoire communal à la date de l'adoption de ce plan, à laquelle ne sont pas soumis les autres bâtiments d'hébergement hôtelier susceptibles d'être créés au sein des mêmes zones urbaines. En prévoyant ainsi des règles différentes pour des constructions qui relèvent de la même catégorie de destination, les auteurs du plan local d'urbanisme ont méconnu les dispositions précitées des articles L. 151-9 et R. 123-9 du code de l'urbanisme.

    7. En second lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

    8. En l'espèce, l'interdiction du changement de destination des bâtiments d'hébergement hôtelier identifiés par le document graphique du règlement du plan local d'urbanisme contesté est justifiée, selon le rapport de présentation, par la volonté d'enrayer le déclin de la capacité hôtelière de la commune, passée de 338 lits en 2003 à 208 lits en 2015, et de préserver la diversité de l'offre d'hébergement touristique de la commune, afin de consolider l'activité touristique et de conserver son statut de « station classée de tourisme ». Le rapport de présentation précise que « il s'agit en particulier d'éviter que se développe la tendance à produire uniquement des appartements simplement offerts à la location à la semaine, ce qui au sens du code de l'urbanisme se traduit par un changement de destination, d'une destination "hébergement hôtelier" vers une destination "habitation" ». Le plan local d'urbanisme contesté soumet à cette interdiction les seuls bâtiments d'hébergement hôtelier existants dans la commune à la date de l'adoption du plan local d'urbanisme et en exempte les autres bâtiments d'hébergement hôtelier créés ultérieurement ou susceptibles de l'être au sein de la commune, qui ne sont pas dans des situations différentes dès lors qu'ils délivrent tous des prestations hôtelières sur le territoire de Trébeurden. Si les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu déroger à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, la différence de traitement qui en résulte est dépourvue de rapport direct avec l'objet de la norme consistant à maintenir la capacité hôtelière de la commune, à laquelle contribueront les établissements d'hébergement hôtelier créés postérieurement à l'adoption du plan ou susceptibles de l'être au sein de la commune. En tout état de cause, cette différence de traitement est manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être accueilli.

    9. Il en résulte que les dispositions des articles UA 1, UC 1 et UD 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Trébeurden selon lesquelles « le changement de destination des bâtiments d'hébergement hôtelier identifiés sur le document graphique du règlement est interdit », divisibles des autres dispositions du règlement, sont illégales ».

    Classiquement, le principe d’égalité n’empêche pas un traitement différencié, dès lors que ce traitement est fondé sur une loi, une différence de situation ou une raison d’intérêt général. 

    En l’espèce, les dispositions d’un PLU interdisant le changement de destination des seuls hôtels existants, et non des hôtels ultérieurement créés, sont jugées non conformes au principe d’égalité, cette différence de traitement n’étant pas justifiée.

    Le principe d’égalité reste toutefois difficilement invocable en matière de planification urbaine, notamment en matière de zonage où les justiciables sont parfois prompts à se plaindre du traitement différencié réservé à leur terrain. Selon une jurisprudence constante, il appartient aux auteurs d'un plan d'occupation des sols de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Leur appréciation peut cependant être censurée par le juge au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts (voir par exemple CE, 8 octobre 2008, n°  293469).

    Michilus AH2110 exploitil web 002

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Dès lors qu’une infraction aux articles L. 752-1 à L. 752-3 du code de commerce est caractérisée, les préfets sont tenus, en application du premier alinéa de l’article L. 752-23 du code de commerce, de faire constater l’exploitation illégale des surfaces de vente correspondantes et d’en dresser le procès-verbal. Bien plus, depuis la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, le préfet est tenu de mettre en demeure l’exploitant soit de fermer la surface illicite soit de ramener la surface à la surface autorisée ; l’absence d’une telle mise en demeure ne pouvant être justifiée que par un motif légal avant l’entrée en vigueur de cette loi.

    Cette compétence liée résulte de l’article 168 de cette loi. Antérieurement, cette compétence était discrétionnaire.

    Par un arrêt en date du 15 février 2021, la cour administrative d’appel de Marseille illustre deux aspects importants des pouvoirs du préfet, avant l’entrée en vigueur de cette loi.

    Dans cette affaire, la Commission nationale d’aménagement commercial (ci-après, « la CNAC ») avait autorisé la création d’un ensemble commercial composé de 39 cellules, dont deux moyennes surfaces d’équipement de la maison de 2 000 et 830 m².

    Or, une enseigne appartenant à cet ensemble commercial exploite depuis son ouverture plus de 5 000 m² – 5 755 m² exactement – de surface de vente. Le projet a donc subi une modification substantielle au cours de sa réalisation, sans qu’une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation commerciale ait été déposée, en violation de l’article L. 752-15 du code de commerce.

    L’association En toute franchise département des Alpes-Maritimes a alors demandé, par un courrier en date du 04 octobre 2016, au préfet des Alpes-Maritimes de constater cette exploitation illicite et de mettre en demeure l’exploitant soit de fermer la surface illicite soit de ramener la surface à la surface autorisée.

    A la suite du refus implicite de rejet du préfet, le tribunal administratif de Nice, par un jugement du 12 décembre 2018, a rejeté la requête de l’association En toute franchise département des Alpes-Maritimes.

    La cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement en considérant que :

    • Le préfet dispose d’un pouvoir hiérarchique sur les agents chargés de réaliser le contrôle des surfaces illicites, pouvoir qui lui permet de leur ordonner de constater les infractions (1) ;
    • L’abstention d’exercer un pouvoir discrétionnaire doit néanmoins reposer sur un motif légal (2).
    1. Sur le pouvoir du préfet de faire constater les infractions à la législation commerciale

    L’article L. 752-23 II al. 1er, dans sa version en vigueur en 2016 comme dans celle en vigueur depuis 2018 dispose :

    « Les agents habilités à rechercher et constater les infractions aux articles L. 752-1 à L. 752-3 en vertu de l’article 9 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l’amélioration de leur environnement économique, juridique et social, constatant l’exploitation illicite d’une surface de vente, au regard du présent titre, établissent un rapport qu’ils transmettent au préfet du département d’implantation du magasin. »

    En première instance, les juges avaient considéré que le pouvoir d’engager ou non une enquête et de constater des infractions appartient aux seuls agents et non au préfet :

    « Si le préfet du département d’implantation d’un magasin soupçonné d’une exploitation illicite de surface commerciale peut communiquer aux agents habilités à contrôler les surfaces de vente les informations dont il dispose sur les surfaces commerciales exploitées par ce magasin, aucun texte ne lui confère, en revanche, le pouvoir d’enjoindre à ces agents d’ouvrir une enquête, de constater des infractions et ensuite de lui rendre un rapport aux fins de faire usage des pouvoirs de l’article L. 752-23 du code commerce » (TA Nice, 12 décembre 2018, n° 1605166).

    Or, les juges d’appel affirment :

    « 4. Les agents des directions départementales de la protection des populations habilités par le ministre de l’économie à procéder à des enquêtes sur le fondement du II de l’article L. 450-1 du code de commerce sont placés sous l’autorité du préfet de département en application de l’article 1er du décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles » (CAA Marseille, 15 février 2021, n° 19MA00852).

    Le préfet dispose donc « d’un pouvoir hiérarchique sur ces agents lui permettant de leur ordonner de constater les manquements aux infractions sur la législation commerciale » (CAA Marseille, 15 février 2021, n° 19MA00852, précité).

    La cour administrative d’appel met d’ailleurs en exergue que ce pouvoir hiérarchique est affirmé explicitement aujourd’hui dans le code de commerce :

    « Au surplus, le premier alinéa de l’article R. 752-44-18 du même code, introduit par l’article 4 du décret n° 2019-563 du 7 juin 2019, prévoit désormais que : « Pour l’application des dispositions de l’article L. 752-5-1 et du II de l’article L. 752-23, le préfet peut mandater des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l’économie pour réaliser des contrôles ». » (CAA Marseille, 15 février 2021, n° 19MA00852, précité).

    Reste alors la question de l’étendue des pouvoirs du préfet en présence d’une infraction à la législation commerciale.

    1. L’inaction administrative doit être justifiée par un motif légal

    Les juges du tribunal administratif avaient considéré qu’en l’absence de rapport constatant l’infraction transmis par les agents habilités, « le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait faire application des mesures prévues par l’article L. 752-23 du code de commerce aux fins de faire cesser une situation d’exploitation illégale » (TA Nice, 12 décembre 2018, n° 1605166, précité).

    Cependant, la cour administrative d’appel de Marseille, ayant démontré le pouvoir hiérarchique du préfet sur les agents habilités à constater les infractions, affirme que ce même préfet, « en gardant le silence, a procédé implicitement à une inexacte qualification juridique des faits en considérant que la surface de vente de ce magasin n’était pas exploitée illicitement en tant qu’elle excède 2 000 mètres carrés ».

    Le préfet est donc tenu de constater l’exploitation illégale d’une surface commerciale (voir également TA Lyon, 13 décembre 2018, n° 1706278).

    Le juge administratif d’appel va même plus loin et considère qu’en plus de constater l’infraction, le préfet aurait dû justifier son refus d’utiliser ses pouvoirs issus de l’article L. 752-23 du code de commerce par un motif légal :

    « 7. En outre, si le préfet des Alpes-Maritimes a fait valoir devant le tribunal administratif qu’il disposait, avant l’entrée en vigueur de l’article 168 de la loi n° 2018-1021, d’un pouvoir discrétionnaire en cas d’exploitation illicite, pour mettre en œuvre les pouvoirs prévus à l’article L. 752-23 du code de commerce, la décision refusant d’exercer ces prérogatives n’en devait pas moins reposer sur un motif légal. » (CAA Marseille, 15 février 2021, n° 19MA00852, précité).

    En effet, l’article L. 752-23 du code de commerce disposait, avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2018-1021 précitée :

    « Le préfet peut mettre en demeure l’exploitant concerné soit de fermer au public les surfaces de vente exploitées illégalement en cas de création, soit de ramener sa surface commerciale à l’autorisation d’exploitation commerciale accordée par la commission d’aménagement commercial compétente, dans un délai d’un mois »

    Certains préfets justifiaient donc leur refus de poursuivre l’infraction par l’existence d’un pouvoir discrétionnaire qui leur aurait été octroyé par le terme « peut » de l’article L. 752-23 du code de commerce.

    Or, les juges administratifs d’appel soulignent que, quand bien même existerait un pouvoir de refuser de poursuivre ces infractions, ce refus, comme toute action administrative, doit toujours reposer sur un motif légal.

    En l’espèce, aucun motif légal ne justifiait le refus du préfet des Alpes-Maritimes de faire cesser l’exploitation illégale des surfaces commerciales en cause.

    Dès lors, le refus est entaché d’illégalité et il est enjoint au préfet de faire cesser les infractions.

    Ainsi, le juge contrôle les motifs de l’inaction préfectorale face à l’exploitation illégale de surfaces de vente. Cette inaction doit être légalement justifiée.

    Ce contrôle, et la sanction d’une inaction illégale, a également été illustré par un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon en date du 13 février 2020 :

    « 5. Pour refuser de mettre en demeure la société X… de fermer les surfaces de vente exploitées sans autorisation, le préfet s'est fondé sur des motifs tirés de ce que cette interruption d'activité entraînerait une perte de chiffre d'affaires ainsi qu'une suppression d'emplois. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, il est établi que la société X… exploite irrégulièrement une surface de 1 000 m² ce qui ne constitue qu'une partie de son commerce. Si le courrier du gérant de la société adressé le 22 novembre 2017 à la direction départementale de la protection des populations du Rhône fait état d'une perte financière de 7 millions d'euros et de la suppression de 20 à 25 emplois à temps complet, ces allégations ne sont ni suffisamment circonstanciées, ni suffisamment étayées pour apprécier les conséquences économiques et sociales de la fermeture de la surface irrégulièrement exploitée. Enfin, et ainsi qu'elle le reconnaît dans ses écritures, la société a persisté à exploiter irrégulièrement la surface de vente litigieuse, en dépit de tentatives de régularisation restées infructueuses. Dans ces conditions, en refusant de mettre en demeure la société X… de fermer les surfaces exploitées sans autorisation, le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, sans qu'y fassent obstacle les principes de sécurité juridique et d'espérance légitime ainsi que l'article 1er du protocole additionnel n°1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » (CAA Lyon, 13 février 2020, n° 19LY00657).

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    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Le mardi 19 janvier 2021, le Sénat a adopté une nouvelle proposition de loi visant au respect de la propriété immobilière contre le squat.

    Le texte prévoit un durcissement des sanctions en cas de violation de domicile et crée un nouveau délit « d’occupation frauduleuse d’un immeuble ».

    L’état du droit antérieur : la procédure d’expulsion accélérée

    Tout le monde se souvient encore du fait divers de Théoule-sur-Mer, lorsqu’au cours de l’été 2020, un couple d’octogénaires a trouvé sa résidence secondaire occupée par une famille qui avait fait procédé au changement de serrure. Cette affaire avait finalement donné lieu à une condamnation par le Tribunal correctionnel de Grasse à huit mois de prison avec sursis pour violation de domicile.

    Confrontés à l’occupation illégale de leur domicile, les propriétaires doivent, en application de l’article 38 de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (loi « DALO »), solliciter l’accord du préfet pour mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux.

    Le préfet dispose alors d’un délai de 48 heures à partir de la réception de la demande pour rendre sa décision. En cas d’acceptation, la mise en demeure est adressée aux occupants et assortie d’un délai d’exécution de 24 heures minimum. Elle est également publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux.

    Si les squatteurs n’ont pas libéré les lieux dans le délai fixé par le préfet, ce dernier peut alors faire évacuer le logement par la force publique.

    Néanmoins, avant d’engager cette procédure d’expulsion accélérée, les propriétaires doivent obligatoirement et préalablement porter plainte pour violation de domicile au commissariat ou à la gendarmerie.

    L’article 226-4 alinéa 1er du code pénal définit l’infraction de violation de domicile comme l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, hors les cas où la loi le permet.

    Ce qui suppose pour les propriétaires de prouver que le logement est bien leur domicile (factures EDF, avis d’imposition) mais surtout, que la personne présente chez eux s’est introduite par effraction. Pour ce faire, ils doivent faire constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.

    Or, les squatteurs, particulièrement bien informés de cette subtilité, s’organisent systématiquement pour faire changer les serrures du domicile squatté et rendre ainsi très difficile la preuve de l’effraction. Ces derniers s’arrangent également pour se faire adresser des factures à l’adresse du domicile squatté pour se prémunir la preuve de ce que le logement constitue bien leur domicile.

    Ce régime d’expulsion accéléré présentait, jusqu’à récemment, une autre difficulté majeure puisqu’ils ne concernaient que les résidences principales et non les résidences secondaires.

    La simplification des mesures d’expulsion par la loi Asap du 7 décembre 2020

    C’est dans ce contexte de médiatisation de ces affaires d’occupation illégale et face à l’émotion suscitée par ces situations de propriétaires dépossédés, que fut voté un amendement supplémentaire dans le cadre du vote de la Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite Loi « Asap » (article 73 de la Loi) visant à renforcer la procédure d’expulsion des squatteurs d’un bien immobilier.

    Désormais, cette procédure d’expulsion n’est plus réservée à la seule résidence principale du propriétaire (ou du locataire) mais concerne également toutes les résidences secondaires.

    Autre apport de cette loi, le préfet doit désormais justifier de son refus. Il peut refuser de mettre en demeure l’occupant uniquement en cas de méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa de l’article 38 de la loi DALO (plainte préalable, preuve du domicile et constat de l’officier de police) ou lorsqu’il existe un motif d’intérêt général. En cas de refus, les motifs de la décision doivent être communiqués sans délai au demandeur.

    Et Demain ? Un durcissement des sanctions contre les squatteurs 

    Le 19 janvier 2021, les sénateurs ont exprimé leur intention d’aller encore plus loin dans la répression du squat, en adoptant une nouvelle proposition de loi visant au respect du droit de propriété en cas de squat. Cette proposition de loi, loin de faire l’unanimité parmi les sénateurs, a attisée tous les débats entre les différents partis représentés à l’hémicycle.

    L’article 1er du texte prévoit un durcissement de la sanction en cas de violation de domicile qui passerait ainsi d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.

    Selon Henri Leroy, rapporteur LR de ce texte, cette disposition « fait écho à l’article 226-4-2 du Code pénal, qui prévoit 3 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende pour un propriétaire qui expulserait son locataire sans concours de l’Etat ». Les sénateurs ayant voulu « rétablir une certaine égalité de traitement ».

    Le texte prévoit également la création d’une nouvelle infraction « d’occupation frauduleuse d’un immeuble » punie par le code pénal d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

    Ce nouveau délit serait également assorti d’une peine complémentaire qui consisterait à déchoir le squatteur de son droit au logement opposable pour une durée de trois ans.

    Reste toutefois à déterminer les éléments constitutifs de cette nouvelle infraction dont les contours sont encore à ce jour très flous…

    Le manque de précision des éléments constitutifs de cette nouvelle infraction lui a valu d’ailleurs les critiques d’une partie des membres du gouvernement, « défavorable à cette incrimination » qu’ils jugent « trop large » et « insuffisamment protectrice des personnes les plus vulnérables ».

     

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    Crédit dessin: Michel Szlazak

     

    L’article L. 600-10 du code de l’urbanisme dispose :

    « Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévu à l'article L. 425-4. »

    Cet article L. 425-4 prévoit :

    « Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. Une modification du projet qui revêt un caractère substantiel, au sens de l'article L. 752-15 du même code, mais n'a pas d'effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 du présent code nécessite une nouvelle demande d'autorisation d'exploitation commerciale auprès de la commission départementale.

    A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. »

    Il résulte de la combinaison de ces articles que la compétence en premier et dernier ressort de la cour administrative d’appel pour connaître des litiges relatifs aux permis de construire valant autorisation commerciale est soumise, sous peine d’irrecevabilité, au recours administratif préalable obligatoire devant la commission nationale d’aménagement commercial (ci-après, la « CNAC »).

    Ainsi, si un projet est modifié de façon substantielle, il est soumis à l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial (ci-après, la « CDAC »), avis qui, pour être contesté valablement devant la cour administrative d’appel, doit avoir été d’abord contesté devant la CNAC.

    Le Conseil d’Etat, dans un arrêt récent en date du 18 novembre 2020, a apporté une précision sur la recevabilité du recours contre un permis de construire modificatif :

    « 4. Il résulte de ces dispositions que les cours administratives d'appel ne sont, par exception, compétentes pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un permis de construire, aussi bien en tant qu'il vaut autorisation de construire qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, que si ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Il en va de même lorsqu'est contesté par la voie de l'excès de pouvoir le refus de délivrer un tel permis. Il résulte en outre des termes mêmes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme qu'un permis, même délivré pour un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale en vertu de l'article L. 752-1 du code de commerce, ne peut jamais tenir lieu d'une telle autorisation lorsque le projet faisant l'objet de la demande de permis de construire n'a pas été, au préalable, soumis pour avis à une commission départementale d'aménagement commercial et, le cas échéant, à la Commission nationale d'aménagement commercial. 

    5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour administrative d'appel était compétente pour statuer en premier et dernier ressort sur la requête des sociétés MG Patrimoine, Bellou Optique et Aux fleurs d'Argentan dirigée contre l'arrêté du 23 août 2016 par lequel le président de la communauté urbaine d'Alençon (Orne) avait rejeté la demande de la société MG Patrimoine tendant à la délivrance d'un permis de construire modificatif relatif à l'extension d'un ensemble commercial à Condé-sur-Sarthe, dès lors que le projet avait été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial de l'Orne. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la cour n'avait pas, pour retenir ainsi sa compétence, à rechercher au préalable si le projet à l'origine de la demande de permis modificatif emportait des modifications substantielles du projet qui avait antérieurement obtenu une autorisation d'exploitation commerciale. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêt attaqué, en ce qu'il se prononce sur la compétence de la cour pour connaître de la requête, serait entaché d'irrégularité, d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit. » (CE, 18 novembre 2020, n° 420857). »

    Le Juge administratif réaffirme qu’un permis de construire ne tient jamais lieu d’autorisation d’aménagement commercial s’il n’a pas été soumis à la CDAC pour avis (CE, 14 novembre 2018, n° 413246).

    Le Conseil d’Etat considère donc qu’un refus de permis de construire modificatif rendu sur avis négatif de la CDAC doit automatiquement être contesté devant la CNAC puis devant la cour administrative d’appel en premier ressort, sans rechercher si les modifications apportées au projet initial qui avait obtenu une autorisation d'exploitation commerciale sont substantielles.

     Il en donc va ainsi même lorsque la saisine de la CDAC n’était pas requise par des dispositions de l’article L. 425-4 précités, faute de modification substantielle du projet.

    mercredi, 17 février 2021 10:26

    Doit-on suivre un avis conforme ?

    Écrit par

    Michilus AH2107 PDC 06web

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    En cas d'avis conforme favorable du préfet, le maire peut néanmoins refuser le permis de construire sur le fondement d'autres dispositions que celles qui ont donné lieu à cet avis.

    L’article L. 422-6 du code de l’urbanisme dispose :

    « En cas d'annulation par voie juridictionnelle ou d'abrogation d'une carte communale, d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l'autorité compétente et lorsque cette décision n'a pas pour effet de remettre en vigueur un document d'urbanisme antérieur, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale recueille l'avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation ».

    Par un arrêt n° 434335 du 3 février 2021, le Conseil d’Etat a jugé que « Si, en application de ces dispositions, le maire a compétence liée pour refuser un permis de construire en cas d'avis défavorable du préfet, il n'est en revanche pas tenu de suivre un avis favorable de ce même préfet et peut, lorsqu'il estime disposer d'un motif légal de le faire au titre d'autres dispositions que celles ayant donné lieu à cet avis, refuser d'accorder le permis de construire sollicité ».

    Ce faisant, il annule un arrêt n° 18MA01249 rendu le 8 juillet 2019 par la cour administrative d’appel de Marseille, qui avait annulé un refus de permis de construire pour les motifs suivants :

    « Par l'arrêt du 29 janvier 2010, n°07MA03818, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé l'annulation de la délibération du 11 juillet 2006 par laquelle le conseil municipal de la commune de Cuttoli-Corticchiato a adopté le plan local d'urbanisme de la commune, en tant qu'elle classait le terrain cadastré A n°1378 en zone N. La parcelle d'assiette du projet n'est désormais régie par aucun plan local d'urbanisme ou un document en tenant lieu. Or, en l'espèce, le préfet de la Corse-du-Sud a émis un avis favorable au projet le 3 décembre 2015. Le maire était en situation de compétence liée pour délivrer l'autorisation demandée. S'il est loisible, le cas échéant, à la commune de contester, à l'occasion du recours dirigé contre son refus de délivrance du permis de construire, la légalité de l'avis rendu par le préfet, et donc la situation de compétence liée dans laquelle elle se trouve du fait de cet avis, elle se borne en l'espèce, en tout état de cause, à contester que l'avis du préfet aurait un tel effet, sans contester la légalité de l'avis. Il en résulte qu'aucun des motifs retenus par le maire de la commune dans sa décision de refus du 11 décembre 2015 n'est susceptible de justifier légalement la décision attaquée ».

    Il faut donc distinguer entre avis conforme favorable et avis conforme défavorable.

    1/ En cas d’avis conforme favorable :

    Le maire ne doit pas suivre cet avis, et donc refuser le permis, dans deux cas :

    • lorsque « d'autres dispositions que celles ayant donné lieu à cet avis » imposent de refuser le permis de construire. Ainsi les dispositions contrôlées par le préfet au titre de l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme ne sont pas exhaustives ;
    • lorsque l’avis conforme favorable est illégal.

    Cette obligation de ne pas suivre un avis conforme favorable s’applique également à l’avis de l’architecte des Bâtiments de France :

    « Considérant, en deuxième lieu, que si, en vertu de l'article R. 421-36-8 du code de l'urbanisme, le maire a compétence liée pour refuser un permis de construire dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager en cas d'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, il n'est en revanche pas tenu de suivre un avis favorable de ce même architecte et peut refuser d'accorder le permis de construire, notamment lorsqu'il estime que celui-ci ne respecte pas les prescriptions applicables à la zone concernée » (CE, 11 mars 2009, n° 307656).

    2/ En cas d’avis conforme défavorable

    Le maire ne doit pas suivre cet avis, et donc accorder le permis, dans un cas : celui où cet avis est illégal.

    Cette solution, que l’arrêt du 3 février 2021 ne semble pas réfuter, vaut également en cas d’avis conforme défavorable illégal de l’architecte des Bâtiments de France :

    « Considérant que, saisi en application de l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 et de l'article R. 430-12 du code de l'urbanisme, l'architecte des Bâtiments de France a émis le 19 juin 1989 un avis défavorable à la démolition de l'hôtel Continental, situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé monument historique ; qu'il s'est fondé pour ce faire, non sur la nécessité d'assurer la protection du monument historique et de ses abords, mais sur l'intérêt que présentait la conservation de l'hôtel Continental, alors que celui-ci n'était pas lui-même protégé au titre de la loi du 31 décembre 1913 ; qu'un tel motif n'était pas de nature à justifier légalement un refus de visa » (CE, 5 novembre 1993, n° 116501).

    L’appréciation de la légalité de l’avis du préfet peut être rendue plus difficile s’il n’est pas motivé ; un arrêt a en effet jugé qu’il n’était pas soumis à une obligation de motivation :

    «  5. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que le préfet, saisi en application de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme, motive l'avis qu'il doit donner ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'avis défavorable rendu le 16 juillet 2010 par le préfet du Pas-de-Calais doit être écarté » (CAA de Douai, 6 mars 2014, n° 12DA01891).

    Il reste que les avis de l’Etat doivent eux aussi faire l’objet d’un contrôle de légalité, de la part des collectivités territoriales qui en sont destinataires.

     

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    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Les montages de LBO ne sont pas sans risques. Dans son arrêt du 9 septembre 2020, la Cour de cassation est venue sanctionner les dirigeants d’une SAS qui avaient proposé une distribution de dividendes ayant mis en difficulté la société trois ans plus tard (Cass. com., 9 sept. 2020, n° 18-12444). Cette distribution de dividendes était voulue par la holding mère qui devait faire face à ses échéances de remboursement du LBO. Pour autant, la Cour de cassation ne retient pas le raisonnement “groupe” des dirigeants qui ont mis en péril la société filiale en rendant possible cette distribution, et les a condamnés au comblement du passif social.

    Cette position peut sembler sévère dès lors que ce sont les associés et non les dirigeants qui ont voté cette distribution de dividendes, les dirigeants n’ayant fait que la rendre possible en la proposant à l’assemblée.

    Cet arrêt marque tout l’intérêt pour les dirigeants de justifier la distribution de dividendes, d’en documenter la conformité avec l’intérêt social et, à défaut, d’y faire obstacle afin de ne pas engager leur responsabilité.