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    vendredi, 05 mars 2021 14:43

    Logement : Vers un durcissement des sanctions contre les squatteurs ?

    Écrit par Inès Duveau

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    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Le mardi 19 janvier 2021, le Sénat a adopté une nouvelle proposition de loi visant au respect de la propriété immobilière contre le squat.

    Le texte prévoit un durcissement des sanctions en cas de violation de domicile et crée un nouveau délit « d’occupation frauduleuse d’un immeuble ».

    L’état du droit antérieur : la procédure d’expulsion accélérée

    Tout le monde se souvient encore du fait divers de Théoule-sur-Mer, lorsqu’au cours de l’été 2020, un couple d’octogénaires a trouvé sa résidence secondaire occupée par une famille qui avait fait procédé au changement de serrure. Cette affaire avait finalement donné lieu à une condamnation par le Tribunal correctionnel de Grasse à huit mois de prison avec sursis pour violation de domicile.

    Confrontés à l’occupation illégale de leur domicile, les propriétaires doivent, en application de l’article 38 de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (loi « DALO »), solliciter l’accord du préfet pour mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux.

    Le préfet dispose alors d’un délai de 48 heures à partir de la réception de la demande pour rendre sa décision. En cas d’acceptation, la mise en demeure est adressée aux occupants et assortie d’un délai d’exécution de 24 heures minimum. Elle est également publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux.

    Si les squatteurs n’ont pas libéré les lieux dans le délai fixé par le préfet, ce dernier peut alors faire évacuer le logement par la force publique.

    Néanmoins, avant d’engager cette procédure d’expulsion accélérée, les propriétaires doivent obligatoirement et préalablement porter plainte pour violation de domicile au commissariat ou à la gendarmerie.

    L’article 226-4 alinéa 1er du code pénal définit l’infraction de violation de domicile comme l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, hors les cas où la loi le permet.

    Ce qui suppose pour les propriétaires de prouver que le logement est bien leur domicile (factures EDF, avis d’imposition) mais surtout, que la personne présente chez eux s’est introduite par effraction. Pour ce faire, ils doivent faire constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.

    Or, les squatteurs, particulièrement bien informés de cette subtilité, s’organisent systématiquement pour faire changer les serrures du domicile squatté et rendre ainsi très difficile la preuve de l’effraction. Ces derniers s’arrangent également pour se faire adresser des factures à l’adresse du domicile squatté pour se prémunir la preuve de ce que le logement constitue bien leur domicile.

    Ce régime d’expulsion accéléré présentait, jusqu’à récemment, une autre difficulté majeure puisqu’ils ne concernaient que les résidences principales et non les résidences secondaires.

    La simplification des mesures d’expulsion par la loi Asap du 7 décembre 2020

    C’est dans ce contexte de médiatisation de ces affaires d’occupation illégale et face à l’émotion suscitée par ces situations de propriétaires dépossédés, que fut voté un amendement supplémentaire dans le cadre du vote de la Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite Loi « Asap » (article 73 de la Loi) visant à renforcer la procédure d’expulsion des squatteurs d’un bien immobilier.

    Désormais, cette procédure d’expulsion n’est plus réservée à la seule résidence principale du propriétaire (ou du locataire) mais concerne également toutes les résidences secondaires.

    Autre apport de cette loi, le préfet doit désormais justifier de son refus. Il peut refuser de mettre en demeure l’occupant uniquement en cas de méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa de l’article 38 de la loi DALO (plainte préalable, preuve du domicile et constat de l’officier de police) ou lorsqu’il existe un motif d’intérêt général. En cas de refus, les motifs de la décision doivent être communiqués sans délai au demandeur.

    Et Demain ? Un durcissement des sanctions contre les squatteurs 

    Le 19 janvier 2021, les sénateurs ont exprimé leur intention d’aller encore plus loin dans la répression du squat, en adoptant une nouvelle proposition de loi visant au respect du droit de propriété en cas de squat. Cette proposition de loi, loin de faire l’unanimité parmi les sénateurs, a attisée tous les débats entre les différents partis représentés à l’hémicycle.

    L’article 1er du texte prévoit un durcissement de la sanction en cas de violation de domicile qui passerait ainsi d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.

    Selon Henri Leroy, rapporteur LR de ce texte, cette disposition « fait écho à l’article 226-4-2 du Code pénal, qui prévoit 3 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende pour un propriétaire qui expulserait son locataire sans concours de l’Etat ». Les sénateurs ayant voulu « rétablir une certaine égalité de traitement ».

    Le texte prévoit également la création d’une nouvelle infraction « d’occupation frauduleuse d’un immeuble » punie par le code pénal d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

    Ce nouveau délit serait également assorti d’une peine complémentaire qui consisterait à déchoir le squatteur de son droit au logement opposable pour une durée de trois ans.

    Reste toutefois à déterminer les éléments constitutifs de cette nouvelle infraction dont les contours sont encore à ce jour très flous…

    Le manque de précision des éléments constitutifs de cette nouvelle infraction lui a valu d’ailleurs les critiques d’une partie des membres du gouvernement, « défavorable à cette incrimination » qu’ils jugent « trop large » et « insuffisamment protectrice des personnes les plus vulnérables ».