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    vendredi, 02 octobre 2020 14:17

    Port du masque : la légalité d’une mesure de police appréciée sous l’angle de sa « simplicité » et de sa « lisibilité » Spécial

    Écrit par Margaux Paccard

    Le Conseil d’Etat considère que le préfet peut élargir les zones concernées par l’obligation du port du masque, compte-tenu de la nécessité de préserver l’effectivité des mesures prises. Il introduit ainsi un nouveau critère d’appréciation de ces mesures de police, à savoir l’exigence de simplicité et de lisibilité à l’égard de leurs destinataires.

    Le contentieux des mesures de police ne va cesser de s’accroître en cette période particulière liée au covid-19.

    Par deux ordonnances en date du 6 septembre 2020, n° 443750 et 443751, le juge des référés du Conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles les préfets peuvent intervenir dans le cadre de la réglementation du port du masque, en faisant dépendre l’appréciation du caractère proportionné d’une telle mesure de police à sa simplicité et à sa lisibilité.

    Dans ces affaires, le juge des référés devait se prononcer sur deux arrêtés pris par les préfets du Bas-Rhin et du Rhône en date des 28 et 31 août 2020 qui imposaient le port du masque sur la voie publique et dans l’ensemble des lieux ouverts au public, sur le territoire de plusieurs communes.

    En première instance, les juges des référés des tribunaux administratifs de Strasbourg et de Lyon avaient considéré que ces mesures générales et absolues portaient une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et de venir et au droit de chacun au respect de sa liberté personnelle.

    Il avait ainsi été enjoint aux préfets d’édicter de nouveaux arrêtés en excluant de l’obligation du port du masque les lieux des communes et les périodes horaires qui ne sont pas caractérisés par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la propagation du virus.

    Le juge des référés du Conseil d’Etat, saisi par le ministre des solidarités et de la santé, a considéré que :

    « 10. Le caractère proportionné d'une mesure de police s'apprécie nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d'intérêt général poursuivi. Sa simplicité et sa lisibilité, nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s'adresse, sont un élément de son effectivité qui doivent, à ce titre, être prises en considération. Il en résulte que le préfet, lorsqu'il détermine les lieux dans lesquels il rend obligatoire le port du masque, est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique, de sorte que les personnes qui s'y rendent puissent avoir aisément connaissance de la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d'une même sortie. Il peut, de même, définir les horaires d'application de cette règle de façon uniforme dans l'ensemble d'une même commune, voire d'un même département, en considération des risques encourus dans les différentes zones couvertes par la mesure qu'il adopte. Il doit, toutefois, tenir compte de la contrainte que représente, même si elle reste mesurée, le port d'un masque par les habitants des communes concernées, qui doivent également respecter cette obligation dans les transports en commun et, le plus souvent, dans leur établissement scolaire ou universitaire ou sur leur lieu de travail. »

    Il en résulte que lorsque le préfet réglemente le port du masque sur son territoire, il est en droit de délimiter des zones suffisamment larges, pour englober de façon cohérente les lieux caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique, et ce afin que les personnes qui s’y rendent puissent avoir aisément connaissance de la règle applicable, et qu’en particulier, elles ne soient pas incitées à enlever et remettre leur masque à plusieurs reprises.

    Le juge des référés suit en ce sens le raisonnement qui était soumis par le ministre de la solidarité et de la santé, selon lequel les injonctions imposées en première instance étaient de nature à remettre en cause l’effectivité des normes de police édictées, dès lors qu’il aurait été nécessaire de réglementer le port du masque à seulement certains lieux d’une même commune.

    C’est donc dans un souci de clarté et de « lisibilité » que le juge des référés du Conseil d’Etat a réformé les ordonnances rendues en tant qu’elles ne prenaient pas en compte ces critères, et a fixé de nouvelles injonctions aux préfets.