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    mardi, 17 décembre 2019 18:19

    Dans quelle mesure une cession immobilière avec charges constitue-t-elle un marché public ?

    Écrit par Victoria Catteau-Populo & Joseph Andreani

    Dans un arrêt du 17 juin 2019, la Cour administrative d’appel de Marseille s’est prononcée sur la qualification de marché public d’une cession d’un terrain du domaine privé d’une commune.

    Une consultation avait été lancée pour la vente de ce terrain, prévoyant pour l’attributaire la charge de créer un ensemble de logements comportant au minimum 50% de logements sociaux. Le contrat avait été attribué ; il a ensuite été décidé, pour diverses raisons, qu’il ne serait finalement pas donné suite à l’offre retenue.  Cette décision a donc été contestée devant le juge par la société éconduite. 

    Le juge administratif de première instance, qui s’était déclaré compétent pour connaitre du litige relatif à un acte détachable de la passation des contrats passés par les personnes publiques, même lorsque le contrat relève du droit privé, a considéré le contrat comme un marché public de travaux :

    « Ce contrat, qui a pour objet une cession immobilière avec charges en vue de réaliser des ouvrages répondant aux exigences fixées par la personne publique, et est exécuté dans l’intérêt économique direct de la commune de Solliès-Toucas, au sens de la directive 2004/18/CE susvisée, telle qu’interprétée par la Cour de Justice de l’Union Européenne, doit être regardé comme un marché public de travaux soumis à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, alors applicable, de laquelle relevait l’EPF PACA » (TA de Toulon, 16 novembre 2018, n° 1501281).

    La cour administrative d’appel, dans un arrêt du 17 juin 2019, estime au contraire qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’un marché public :

    « il résulte de l'instruction que le contrat envisagé, qui se limitait à la vente d'un terrain, ne comportait aucun caractère onéreux pour l'établissement et ne constituait dès lors pas un marché public au sens des dispositions précitées, auxquelles l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur n'avait pas davantage choisi de se soumettre volontairement. Il en résulte que les moyens tirés de la méconnaissance des règles relatives au retrait des décisions attribuant un marché public ou à la déclaration sans suite de la procédure de passation d'un marché public sont inopérants (CAA de Marseille, 17 juin 2019, n° 19MA00412-19MA00413).

    La Cour administrative d’appel de Marseille s’est fondée sur l’absence d’onérosité du contrat pour réfuter cette qualification.

    Sur ce point, une cession effectuée au prix du marché n’est pas considérée comme un contrat à titre onéreux (F. Dieu, « Obligations liées à la cession de biens du domaine privé d'une commune assortie d'une obligation de travaux », AJDA 2010 p. 1200).

    A noter également qu’une ancienne décision de cette cour avait jugé qu’une cession répondant à un « besoin d’intérêt général défini par la collectivité » demeure soumise aux principes généraux de la commande publique :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose aux collectivités locales de faire précéder la simple cession d'un immeuble du domaine privé de mesures de publicité et d'organiser une mise en concurrence des acquéreurs éventuels ; que, toutefois, la conclusion par ces personnes publiques de contrats emportant cession d'un immeuble de leur domaine privé dont l'objet principal est de confier à un opérateur économique la réalisation de travaux en vue de la construction, selon des spécifications précises imposées par lesdites personnes publiques, d'ouvrages qui, même destinés à des tiers, répondent à un besoin d'intérêt général défini par lesdites collectivités, est soumise aux obligations de publicité et de mise en concurrence résultant des principes généraux du droit de la commande publique ;

    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'objet principal du contrat que la commune de Rognes se proposait de conclure était de confier à un opérateur économique l'exécution de travaux de construction de maisons d'habitation individuelles destinées à être revendues à des tiers, et non la simple cession de parcelles du domaine privé ; que la nature et les caractéristiques des ouvrages à réaliser avaient été définies de manière précise et détaillée par la commune de Rognes dans le dossier de consultation ; que l'opération ainsi envisagée, qui visait à promouvoir la construction de logements individuels de qualité et à favoriser l'accession à la propriété des habitants de la commune, répondait au besoin exprimé par la collectivité de maintenir et de développer son offre et son attractivité immobilières ; qu'ainsi le projet en cause constituait un projet d'intérêt communal de mise en œuvre d'une politique locale de l'habitat ; que, dans ces conditions, la conclusion du contrat en cause était soumise au respect des obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès des candidats » (CAA de Marseille, 25 février 2010, n° 07MA03620, AJDA 2010 p. 1200; voir également TA Nîmes, 5 avril 2012, n° 1000792 - 1002238, Contrats et Marchés publics n° 7, Juillet 2012, comm. 224).