" Considérant, en premier lieu, que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu'il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ;
Considérant, en second lieu, que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel " (CE, 28 décembre 2009, commune de Béziers, n° 304802).
Saisie d'un tel recours, la cour administrative d'appel de Versailles s'est prononcée, par un arrêt du 12 juin 2014, sur le maintien d'un contrat dont le prix était contesté sous deux angles:
* l'erreur sur la substance d'une partie des prestations, commise par le cocontractant de l'administration (en tant que vice du consentement au sens des articles 1109 et 1110 du code civil);
* le caractère anormalement bas affectant, du fait de cette erreur, l'offre financière faite par celui-ci (au sens de l'article 55 du code des marchés publics).
L'affaire a été réglée en ces termes par la cour:
" (...) 7. Considérant, en troisième lieu, que si la société PAYSAGE CLEMENT soutient que son consentement sur le prix a été donné par erreur, le prix proposé ne correspondant à aucune réalité économique, elle n'apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif, de nature à établir que son consentement aurait été vicié ; qu'il résulte des paragraphes 5 et 6 ci-dessus que cette erreur sur le prix des clôtures, qui révèlerait une erreur sur la substance d'une partie des prestations, lui est entièrement imputable ; que, responsable des conditions dans lesquelles elle a donné son consentement et s'étant engagée à réaliser des prestations, selon ses dires à perte, elle a commis une erreur qui ne peut être regardée comme ayant présenté un caractère excusable de nature à justifier la nullité du contrat ; qu'ainsi le moyen tiré d'une erreur, vice du consentement, ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 55 du code des marchés publics, dans sa version applicable au litige : " Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies (...) " ; qu'il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé ; que si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre ;
9. Considérant que la société PAYSAGE CLEMENT soutient que le département des Hauts-de-Seine, en ne mettant pas en oeuvre la procédure relative aux offres anormalement basses et en ne rejetant pas comme telle son offre, a méconnu les dispositions de l'article 55 du code des marchés publics susmentionné ; qu'en effet, son offre d'un montant de 46 107,20 euros HT était inférieure de plus de moitié à l'estimation faite par le département des Hauts-de-Seine, d'un montant de 107 722,70 euros HT ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que si la plupart des candidats avait présenté des offres dans une fourchette comprise entre 67 000 euros HT et 117 000 euros HT, les deux autres offres les moins-disantes se situaient à un montant proche de 55 000 euros HT ; qu'il n'est nullement établi que les difficultés financières et la perte de marge bénéficiaire supportées par la société PAYSAGE CLEMENT ont été susceptibles de compromettre la réalisation des travaux relatifs au marché en cause, lequel est d'ailleurs entièrement exécuté, et que le département des Hauts-de-Seine a commis une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en outre, si l'écart constaté entre l'estimation du département et celle de la société requérante, ainsi qu'entre cette offre et l'ensemble des autres offres était important, et que le département aurait ainsi été avisé de mettre en oeuvre la procédure prévue pour les offres présentant les caractéristiques d'une offre anormalement basse et de solliciter auprès de la société requérante toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé, la société PAYSAGE CLEMENT n'est pas fondée, eu égard aux circonstances sus-rappelées aux paragraphes 5 à 7, à soutenir que cette illégalité serait d'une gravité telle que le litige ne pourrait plus être réglé sur le fondement du contrat ; qu'ainsi, le moyen, en toutes ses branches, ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation ou de résiliation du contrat doivent être rejetées ; que, par suite, les conclusions de la société requérante tendant à enjoindre au département des Hauts-de-Seine de signer un avenant ne peuvent qu'être rejetées " (CAA de Versailles, 12 juin 2014, n° 12VE01120).
La cour considère ainsi que, dans les circonstances de l'espèce, l'attributaire du marché ne peut se prévaloir du caractère anormalement bas de son offre pour remettre en cause le contrat.
A noter en revanche qu'une résiliation du contrat peut émaner de l'attributaire en cas de faute contractuelle commise par l'administration, si une clause le prévoit:
" 2. Considérant que le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l'administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l'initiative de résilier unilatéralement le contrat ; qu'il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n'a pas pour objet l'exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles ; que, cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s'opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général, tiré notamment des exigences du service public ; que lorsqu'un motif d'intérêt général lui est opposé, le cocontractant doit poursuivre l'exécution du contrat ; qu'un manquement de sa part à cette obligation est de nature à entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs ; qu'il est toutefois loisible au cocontractant de contester devant le juge le motif d'intérêt général qui lui est opposé afin d'obtenir la résiliation du contrat " (CE, 8 octobre 2014, société Grenke Location, n° 370644).