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    mardi, 07 octobre 2014 08:06

    ENQUÊTES PUBLIQUES: LE COMMISSAIRE ENQUÊTEUR DOIT MOTIVER SON AVIS, MÊME EN L'ABSENCE D'OBSERVATIONS DU PUBLIC

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    eolienneL'enquête publique n'est régulière que si le commissaire-enquêteur indique, au moins sommairement mais en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de son avis. Un manquement à cette obligation est susceptible d'entacher d'illégalité la décision prise à l'issue de l'enquête, même en l'absence d'observations du public au cours de celle-ci.
    CAA de Bordeaux, 10 juillet 2014, n° 12BX02495:


    "Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article R. 512-17 du code de l'environnement, dans leur rédaction applicable à la date de l'enquête : " Le commissaire enquêteur (...) rédige, d'une part, un rapport dans lequel il relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies, d'autre part, ses conclusions motivées, qui doivent figurer dans un document séparé et préciser si elles sont favorables ou non à la demande d'autorisation " ; que ces dispositions obligent le commissaire-enquêteur à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le commissaire-enquêteur a donné un avis favorable sur le projet en se bornant à émettre, dans un rapport extrêmement succinct, des " observations particulières " portant sur la desserte de l'installation, les risques de pollution du ruisseau de " Samadet ", la présentation, par la commune de..., d'un rapport faisant apparaître " l'évolution environnementale " lors de l'établissement de son futur plan local d'urbanisme et, enfin, la nécessité que le projet respecte une " intégration paysagère adéquate " ; qu'il s'est borné, dans ses conclusions par document séparé, à indiquer que " le projet est très favorable à l'économie générale " et a émis un avis favorable " sous réserve de l'avis de tous les services administratifs et techniques cités dans le préambule du rapport (...) " dont il avait regretté l'absence de disponibilité, et " sous réserve du rapport de l'inspecteur des installations classées et du CODERST ", ce qui démontrait qu'il n'avait pas disposé d'informations suffisantes pour se prononcer ; qu'à aucun moment, le commissaire-enquêteur n'a précisé, même sommairement, les raisons qui l'ont conduit à donner un avis favorable sur le projet litigieux d'exploitation de deux centrales destinées à la production d'enrobés sur le territoire de la commune de... ; que son avis est, par suite, insuffisamment motivé ;
    Considérant que le G.I.E. ... fait toutefois valoir que cette insuffisance de la motivation de l'avis du commissaire-enquêteur n'a pas été de nature, en l'espèce, à priver le public d'une garantie où à influer sur le sens de la décision prise ; qu'il se prévaut à cet égard de ce qu'aucune observation n'a été formulée dans les cinq registres mis à disposition dans les communes comprises dans le périmètre de l'enquête ; que toutefois, aux termes de l'article R. 512-17 du code de l'environnement alors en vigueur, la copie du rapport et des conclusions devait être adressée par le préfet à la mairie de chacune des communes concernées par l'enquête, toute personne pouvant par ailleurs en prendre connaissance à la préfecture et à la mairie d'implantation ; que la consultation de cet avis motivé constitue par conséquent une garantie pour les intéressés qui disposaient en outre, en vertu des dispositions alors applicables de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, d'un délai de quatre ans à compter de la mise en service de l'installation pour contester l'autorisation y afférente ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu le moyen tenant à l'insuffisance de motivation de l'avis du commissaire-enquêteur"
    Lorsqu'une enquête publique est réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le commissaire-enquêteur est amené à rédiger (article R. 123-19 du code de l'environnement):
    - un rapport dans lequel il relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies,
    - ses conclusions motivées, qui doivent figurer dans un document séparé et préciser si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet.
    La jurisprudence reconnait au commissaire-enquêteur l'obligation d'indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis (CE, 30 décembre 2003, n° 238582).
    Dans cette affaire, la cour administrative d'appel de Bordeaux rappelle que cette obligation demeure même en l'absence d'observations du public (voir également CAA Lyon, 25 juin 2002, SIVOM des services du canton de Saint-Péray, n° 00LY01047, Lexbase n° A8770AZT).
    La cour fait par ailleurs application de l'arrêt Danthony du 23 décembre 2011, rendu par le Conseil d'Etat en Assemblée du Contentieux (n° 335033), selon lequel:
    « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ».
    Cette jurisprudence est naturellement appliquée aux procédures d'approbation, de modification et de révision des plans locaux d'urbanisme.
    Ainsi, par exemple, l'insuffisance de la note de synthèse prévue à l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales peut ne pas entrainer l'illégalité de la délibération d'approbation prise par l'organe délibérant (CE, 17 juillet 2013, société Française du radiotéléphone, n° 350380).
    En droit des enquêtes publiques, la méconnaissance des formalités de publicité de l'ouverture de l'enquête publique est sanctionnée si elle a eu pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête (CE, 3 juin 2013, commune de Noisy-le-Grand, n° 345174).
    De même, l'absence de consultation du public au titre de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, lorsque celle-ci est requise, prive les tiers intéressés d'une garantie et entraine donc l'illégalité de la décision (CAA de Nancy, 26 juin 2012, Ministre de l'Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement, n° 11NC01258).
    En l'espèce, la cour administrative d'appel de Bordeaux considère que l'insuffisance de motivation de l'avis du commissaire enquêteur est de nature à priver le public d'une garantie, compte tenu de la possibilité pour celui-ci de consulter cet avis, et de la faculté dont il dispose de contester l'autorisation d'exploitation correspondante - soumise en l'espèce à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement.