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    lundi, 10 novembre 2014 12:32

    DANS QUELLES CONDITIONS UNE ASSOCIATION SPORTIVE PEUT-ELLE ÊTRE RECONNUE COMME ÉTANT CHARGÉE D'UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC?

    Écrit par

    hdvTribunal des conflits, 13 octobre 2014, SA Axa France Iard, n° 3963

    L'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, entré en vigueur le 1er juillet 2006, pose les critères généraux d'appartenance au domaine public :


    Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 (l'Etat, les collectivités territoriales, leurs groupements, et les établissements publics) est constitué des biens lui appartenant qui sont:
    * soit affectés à l'usage direct du public,
    * soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public.
    Les biens entrés dans le domaine public avant le 1er juillet 2006, notamment en vertu du critère de l'aménagement spécial antérieurement en vigueur (CE, Ass., 11 mai 1959, Dauphin), continuent d'y appartenir:
    " Considérant, en premier lieu, qu'avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance au domaine public d'un bien était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ; qu'en l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entrainer le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui, depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article L. 2111-1 " (CE, 3 octobre 2012; commune de Port-Vendres, n° 353915).
    C'est ainsi que le tribunal des conflits relève, dans un jugement du 13 octobre 2014, l'existence de l' " aménagement spécial " d'un ensemble immobilier donné à bail à une association sportive dans les années 1980.
    La qualification de ce contrat de bail nécessitait en outre, pour déterminer s'il s'agissait ou non d'un contrat d'occupation du domaine public, de rechercher l'existence d'un service public ou d'un usage direct du public.
    Le tribunal a répondu par la négative:
    " Considérant, en premier lieu, que si l'ensemble immobilier donné à bail par la commune de Joinville-le-Pont a été spécialement aménagé pour la pratique d'activités sportives, il ne résulte pas de cette seule circonstance qu'il appartiendrait au domaine public de la commune, une telle appartenance étant en outre subordonnée à la condition que le bien en cause soit affecté à l'usage direct du public ou à un service public ;
Considérant, d'une part, que l'ensemble immobilier en cause, dont l'utilisation est réservée aux membres de l'association Aviron Marne et Joinville, n'est pas affecté à l'usage direct du public ;
Considérant, d'autre part, que si l'association Aviron Marne et Joinville a une activité d'intérêt général, elle ne peut être regardée, eu égard à ses modalités d'organisation et de fonctionnement, notamment à l'absence de tout contrôle de la commune et de toute définition par celle-ci d'obligations particulières auxquelles elle serait soumise, comme chargée d'une mission de service public ; que, par ailleurs, alors même que la pratique de l'aviron revêt une importance particulière à Joinville-le-Pont et que l'association bénéficie, notamment dans le cadre du contrat en cause, d'aides importantes de la part de la commune, celle-ci ne saurait être regardée, en l'absence de tout droit de regard sur l'organisation de l'association, comme ayant entendu reconnaître le caractère de service public de l'activité de l'association ; qu'ainsi l'activité exercée par l'association dans l'ensemble immobilier en cause ne constitue ni une activité de service public qui lui aurait été confiée par la commune ni une activité à laquelle la commune aurait entendu reconnaître un tel caractère ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'ensemble immobilier donné à bail par le contrat litigieux ne peut être regardé comme appartenant au domaine public de la commune ; qu'ainsi, le contrat conclu entre la commune de Joinville-le-Pont et l'association Aviron Marne et Joinville n'a pas pour objet d'autoriser l'occupation du domaine public communal et ne peut être qualifié de contrat administratif par détermination de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des persomies publiques ".

    Le tribunal a ensuite examiné les autres critères du contrat administratif, que ledit bail ne remplissait pas davantage:

    " Considérant, en deuxième lieu, que le contrat litigieux ne confère aucun droit réel à l'association sur le bien mis à sa disposition ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il n'a pas été conclu en vue de l'accomplissement, pour le compte de la commune, d'une mission de service public ; que l'association se bornant à utiliser le bien mis à sa disposition afin que ses adhérents pratiquent l'aviron et les investissements à réaliser étant exclusivement à la charge de la commune, le contrat ne peut davantage être regardé comme ayant été conclu en vue de la réalisation d'une opération d'intérct général relevant de la compétence de la commune ; qu'ainsi, ce contrat n'a pas le caractère d'un bail emphytéotique administratif conclu en application des dispositions des articles L. 1311-2 et suivants du code général des collectivités territoriales et n'est pas, par détermination de ces dispositions législatives, un contrat administratif ;
Considérant, en troisième lieu, que le contrat litigieux ne comporte aucune clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ;
    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le contrat conclu le 5 octobre 2005 par la commune de Joinville-le-Pont et l'association Aviron Marne et Joinville n'est pas un contrat administratif ; que la juridiction judiciaire est dès lors compétente pour déterminer qui doit répondre de l'incendie survenu le 25 octobre 2005 ".
    Ainsi, le bail en question était bien un contrat de droit privé, dont le contentieux ressortit des juridictions civiles; il en va de même du contentieux de la responsabilité des dommages survenus sur cet ensemble immobilier.